Roberto Alagna et les 300 choeurs – Réveillon 2020

Le 24 décembre 2020 sur FR3.

Il n’a pas changé.
Grand-père, lui ? Puisqu’il le dit ! Et que ça lui va bien d’avoir des enfants accrochés à son cou ! Mais je vois aussi, en lui, et peut-être surtout, le regard d’un enfant génial qui depuis des dizaines d’années qu’il occupe le firmament, met en transes ceux du sérail. Provocation ? Pas sûr !

C’est le soir du Réveillon de cette année entre toutes sinistres, 2020, qui a vu la mondialisation d’un virus, fait unique dans l’histoire ressassent ceux (ils sont nombreux, mamma mia !) qui ne connaissent rien à l’Histoire, unique en tout cas pour notre histoire à nous qui la vivons en direct et petit écran. C’est le Réveillon de Noël.
Pour ceux qui fuient la messe de minuit avec masque et tutti quanti, France 3 organise une soirée dont il est l’étoile. Et le voilà sur ce plateau des 300 chœurs (un peu exagéré le titre, c’est la pub qui veut ça). Comme le soir tout récent de la Scala (7 décembre, l’ouverture d’une saison cette année vide souvenez-vous), on l’attendu longtemps trépignant de ne pas l’entendre chanter, lui, tout ce qui vient avant, mais bon c’est la règle du jeu.

Et donc, il vient enfin avec « Le Chanteur » (Serge Lama et Alice Dona), qui a donné son titre à son récent CD (Sony) et puis, Vincent Niclo, chanteur lui-même et meneur de jeu, lui demande de le rejoindre, bien entendu, et de chanter encore, évidemment ; et lui, il n’attaque pas du tout : « Nesssun Dorma » ou « Minuit, Chrétiens » airs de circonstance dignes de notre tenorissimo selon les puristes, mais sa chanson à lui : « Gentil Père Noël », dont il a écrit texte et paroles, sachant très bien qu’il va provoquer les clameurs du Landerneau des gens comme il faut, dont certains ont tiré que « ça fout les boules » d’entendre ça, il le sait, d’où le regard sourire qui se promène des yeux aux lèvres, sur lui. Les yeux pétillent, mais le sourire est doux, si doux, avec en-dessous quelque chose d’indéfinissable, qui le définit, lui, si bien, oh combien ! Et moi, j’aurai toujours dans les oreilles sa réponse un jour , il y a longtemps, où je lui demandais pourquoi il prenait le risque des chansons en extérieur sur des scènes géantes, lui avec ses intonations d’enfant tout étonné par ma question (idiote):
« Mais parce que j’aime ça ! »

Sur le plateau du Réveillon Covid 2020, c’était certain, il aimait ça.

Nous aussi, qui point ne sommes distingués musicologues.

© Jacqueline Dauxois

Le Lohengrin transfiguré de Roberto Alagna – Acte 1

Le 13 décembre 2020, le Staatsoper unter den Linden de Berlin a donné devant une salle vide, pour des spectateurs enfermés chez eux devant leurs écrans par la deuxième phase de confinement provoquée par l’épidémie de covid-19 une représentation unique de Lohengrin interprété pour la première fois par Roberto Alagna dans une mise en scène de Calixto Bieito.

 LE LIVRET

La courbe d’un fleuve, qui coule au fond de la scène, est voilée par des arbres, rien n’étant laissé au hasard dans le livret – puisque c’est par les eaux vives, symbole baptismal d’une nouvelle vie, que viendra Lohengrin.
C’est là que Henri l’Oiseleur , qui règne sur une Allemagne divisée et menacée par les armées ennemies, rend justice sous un chêne (comme saint Louis) en présence de son peuple et de son armée. Frédéric de Telramund, l’un des vassaux en appelle à lui. Après avoir recueilli les deux orphelins, héritiers du Brabant et projeté d’épouser la petite Elsa, il a depuis épousé Ortud, car il accuse Elsa d’avoir noyé son frère, demande sa condamnation et revendique le Brabant. En l’absence de preuves, le roi décide de s’en remettre au jugement de Dieu.
Dans ce contexte guerrier, la musique l’est aussi jusqu’à l’arrivée d’Elsa, dans une robe blanche, symbole de l’innocence et de la pureté.
Les témoins de la scène s’émeuvent pour elle dont l’entrée introduit le thème du Graal joué au violon.
Mais le merveilleux chevalier, apparu à Elsa plongée dans un transport mystique, se fait attendre.
Enfin, il apparait, casqué et cuirassé d’argent, appuyé sur son épée, porté par une nacelle que tire un cygne blanc par une chaine d’or. L’arrivée de Lohengrin comme ses adieux à son cygne bien-aimé, « mein lieber Schwan » sont d’une nature si évidemment céleste qu’il est accueilli au cri unanime de « Miracle ! » et Elsa, n’osant regarder en face ce merveilleux héros venu l’arracher à la mort, lève les yeux remplis de gratitude vers le Ciel qui lui a envoyé un sauveur.

Mais la mission du Chevalier au Cygne ne s’arrête pas là. Avant de combattre pour elle, il offre à Elsa de l’épouser pour devenir son protecteur et celui de son peuple :
« Elsa, si je dois être ton époux,
Si je dois protéger ton pays et ton peuple,
si plus rien ne doit me séparer de toi… »,
Pour ne plus former avec elle qu’un seul être, il lui demande de garder avec lui son secret, de ne jamais chercher « d’où je suis venu ni quels sont mon nom et mon origine ».

Elle s’y engage passionnément :
« Quel doute pourrait être plus coupable
Que celui qui m’ôterait la foi en toi ? »
Il lui déclare son amour : «Elsa! Ich liebe dich ! » et croise le fer pour elle dans un combat à mort. Vainqueur de Frédéric, il laisse la vie au traitre.
Sauvée par son héros, Elsa s’offre à lui avec son fief :
« En toi, je veux me perdre,
Devant toi, je m’efface. »

Porté en triomphe sur les boucliers des soldats, Lohengrin est acclamé comme le fiancé d’Elsa et le sauveur de l’Allemagne.


LA MISE EN SCÈNE

Ce ne sont ni le fleuve ni le chêne ni le cygne qui manquent, on pourrait même renoncer à l’épée et consentir sans regrets à une salle close éclairée au néon dans l’espoir d’une transposition qui ne serait pas une trahison. Seulement ici mise en scène, décors, costumes et accessoires (si importants, ceux qu’on traite « d’accessoires »)  ignorent le livret, l’Histoire, la religion, la foi, le Moyen-Âge, la chevalerie, le Graal et Dieu, donc ils ignorent cet opéra et, de « Lohengrin », rien ne reste. Auteur de la musique et du livret, Wagner est démenti dans ses notes et dans ses mots au moyen d’une vidéo qui montre Léda et le cygne, allusion à un Jupiter fornicateur tout-puissant et violeur dont on se demande ce qu’elle fait dans cet univers de chaste amour.


Le malheureux René Pape, dans un petit costume de comptable ou de notaire, joue un Henri l’Oiseleur affligé, on ne sait pourquoi de tremblotements séniles qui défigurent le chanteur et dénaturent son personnage. Elsa, dans ses plus beaux airs grimace (contrainte de grimacer ?)  et dont on se demande pourquoi le roi lui claironne de comparaître (ou alors il ne voir pas clair), alors  qu’elle est là, privée de son entrée (qui devrait revêtir, comme celle de Lohengrin, bien qu’à un degré de moindre intensité, un caractère merveilleux), couchée par terre (elle se recouchera souvent) devant une cage (celle de « La Juive » manquait à quelqu’un ?) dans laquelle elle va s’enfermer pour chanter, son « air du rêve » derrière les barreaux habillée comme une gardienne d’immeuble d’une robe quelconque de couleur sombre, d’un blouson marron et de bottes noires. Le personnage lumineux du livret étant ainsi détruit, il n’y a plus d’évolution possible (au visuel) de l’amour fou à la trahison. Reste la musique, pour ceux qui arrivent à l’entendre encore quand la vue est ainsi détournée.

Si Elsa n’a pas d’entrée du tout, celle de Lohengrin n’en est pas une. Au lieu d’une image resplendissante réclamée par Wagner et attendue par le spectateur, on ne le voit pas entrer dans l’indescriptible confusion qui règne sur le plateau. Elsa le voit moins que quiconque car, dès que le chœur annonce que son héros s’approche, elle sort de sa cage pour tout casser (on l’approuve tant ce matériel de bureau fonctionnel qui remplace la forêt est hideux), elle renverse les documents sur les tables, et les tables, avant de se mettre à quatre pattes (ce ne sera pas la seule fois) pendant l’entrée de son chevalier, invisible au milieu des autres et dans l’obscurité. Finalement, depuis qu’on scrute vain sur nos écrans où il se cache, on le découvre assis sur une chaise, une cocotte en papier à la main, éclairé par une lumière stroboscopique. S’il n’était pas si beau, avec ce profil classique de l’éternel ténor (que la caméra montre le moins possible pendant son chant sublime, préférant filmer des comparses dans un contre-jour dénué d’intérêt), si on ne l’attendait pas nous aussi, comme Elsa, comme notre sauveur (celui qui va nous empêcher d’aller dormir plutôt que de subir la suite), ce serait le fou rire : la cocotte au cou de girafe évoque irrésistiblement les petits bateaux en papier qu’un autre metteur en scène lui avait mis sur le plateau pour « Vasco de Gama », sauf que, pour Vasco, il n’avait pas le droit de les toucher.

Privés des deux entrées jumelles d’Elsa et de Lohengrin, les héros qui s’aiment et sont aimés, on aurait dû renoncer au petit résidu de tenace espoir qui brille dans les situations désespérées : qui sait si Lohengrin n’aurait pas une épée ? Alagna se bat si bien sur scène ! et Lohengrin est venu pour ça, se battre dans un duel à mort.

Vaine espérance. Pas de duel. Mais deux fauteuils de dactylo sur lesquels les chevaliers assis face à face, vautrés en arrière, finissent par se regarder jusqu’à ce que Frédéric tombe de son fauteuil sans que Lohengrin ait remué d’un pouce.

Pendant ce temps, Ortud, qui, en tant que méchante sorcière, porte les vêtements le plus laids de la production, elle dont le destin se joue pendant le jugement de Dieu, s’amuse à faire rouler sur une table, un mur ou sur son ventre un modèle réduit couleur orange – et la gesticulation des chœurs de gênante devient paroxystique. Le héraut d’armes(remarquablement interprété d’ailleurs) mène le sabbat. Depuis son apparition à l’ouverture du rideau c’est lui qui monopolise l’attention. Plus grimaçant et grotesque que le roi, le héros d’armes, personnage fellinien à la langue rétractile, grotesque et grimaçant dans un costume bleu électrique, se propulse à travers la scène, claudiquant comme un Rigoletto, se peint le visage sur scène, tel un Canio déboussolé, le visage tout blanc, les sourcils noirs, la bouche débordante, tirant une langue obscène.

Pendant le non-duel, le clou du spectacle est une mascarade sanglante (déjà vue dans « La Juive ») où les chanteurs se déshabillent (déflorant le prochain déshabillage de Lohengrin), craquent des ampoule de faux sang et se maculent avec. Le héraut en fait autant et, lui  en plus, il le lèche entre ses doigts. Tout ceci autour de Lohengrin, le seul qui ne s’ensanglante pas.

Sur quoi Elsa, à quatre pattes, écrit « Liebe » avec un gros feutre sur la veste de Lohengrin que les fiancés (Elsa s’est relevée) tirent par les manches chacun de son côté pendant que les autres brandissent des pancartes comme souvent à l’Opéra, sur scène. Dominant les voix du chœur, celle d’Alagna rayonne d’un suave éclat.

ALAGNA ET SON PERSONNAGE

A l’image, le héros d’armes (Adam Kutny), avec son costume électrique, son maquillage aux couleurs criantes, du sang qu’il lèche sur sa main (plan serré de la caméra, on n’en perd rien) aurait dû écraser Lohengrin dans son costume sobre et sa régate noire. Or, c’est Lohengrin qu’on retient, même si l’autre surnage, nénuphar vénéneux sur les eaux troublées de la mémoire. Comment fait-il, Alagna ? Aux discordances qui l’entourent, il oppose son instinct d’acteur, son intelligence et sa connaissance du texte et de la musique, sa sensibilité de chanteur et, alors qu’il lui arrive d’exploser en feu d’artifice sur scène, là, au milieu du déchaînement qui le cerne, tout en lui, chant et jeu, ne sont que sobriété, réserve, mystère, secret, intériorité, recueillement, presque on dirait silence, si l’on pouvait parler d’un jeu silencieux allant à l’amble avec un chant radieux. Il réagit comme ces fleurs qui poussent dans la mer et se rétractent si on les frôle. Il s’en va, seul, loin de ce spectacle ; il enferme en lui son Lohengrin, il le protège, le préserve, et, lorsque vient pour lui le moment de chanter, il le dévoile jusqu’au cœur avec une voix et des gestes qui ont l’allure et la fascination d’un rituel religieux, performance stupéfiante où son « Elsa! Ich liebe dich ! » à l’inégalable phrasé, s’approprie la langue et on croirait entendre de l’italien. Il refuse toute grimace et barbouillage sanglant et si on n’a pas envie de sourire quand il apparaît pour la première fois sa cocotte en papier à la main, c’est que, soudain, Lohengrin s’incarne et que commence l’air que sa voix rend divin : « Sois remercié mon cygne bien-aimé », «mein lieber Schwan», cet air dans lequel l’envoyé de Monsalvat s’adresse au Ciel, au Graal, à Dieu, cet adieu au cygne, déchirant, splendide, que sa voix, sans accompagnement, transfigure. On voudrait qu’il ne s’arrête plus et chante tout l’opéra a capella sans bouger de sa place pour ne plus voir ce qui l’entoure et savourer chaque perfection de ces notes d’or pur et la beauté du visage du héros (que la caméra abandonne préférant filmer ses camarades dans un banal contre-jour plutôt que lui qui chante). Lorsque l’orchestre rejoint son chant pour annoncer les chœurs c’est avec une douceur qui prolonge l’irréalité surnaturelle qu’il a fait naitre autour de lui. Alors seulement il se lève et va vers Elsa (Vida Miknevicuite). Au moment où le roman de chevalerie met le pied dans la mythologie et les contes et légendes venus de la nuit des temps, Elsa lui promet de ne pas tenter de savoir d’où il vient ni de percer le secret de ses origines.C’est ainsi qu’à contre-courant de la mise en scène, Roberto Alagna révèle un Lohengrin mystique, le héros christique dans lequel il croit – sans lequel il n’est pas de Lohengrin possible. Il dit son amour à une étrange Elsa qui grimace sans que rien n’altère sa voix ni son expression étonnée et tendre d’extra-terrestre tombé sur une planète inconnue.

A l’image, le héros d’armes (Adam Kutny, très bon chanteur et comédien), outrancièrement dessiné, avec son costume électrique, son maquillage aux couleurs criantes, ce sang qu’il lèche monstrueusement sur sa main (plan serré de la caméra, on n’en perd rien) aurait dû écraser Lohengrin dans son costume sobre et sa régate noire. Or, c’est Lohengrin qu’on retient, même si l’autre surnage, nénuphar vénéneux sur les eaux troublées de la mémoire.

Comment fait Alagna ? Aux discordances qui l’entourent (qui ne peuvent pas ne pas le gêner, on le suppose) il oppose son instinct d’acteur, son intelligence et sa connaissance du texte et de la musique, sa sensibilité de chanteur et, alors qu’il lui arrive d’exploser en feu d’artifice sur scène, là, au milieu du déchaînement qui le cerne, tout en lui, le chant et le jeu, n’est que sobriété, réserve,  mystère, secret, intériorité, recueillement, presque on dirait silence, si l’on pouvait parler d’un jeu silencieux allant à l’amble avec un chant radieux. Il réagit comme ces fleurs qui poussent dans la mer et se rétractent si on les frôle. Il s’en va, en somme, seul, loin de ce spectacle qui lui est étranger, il enferme en lui son Lohengrin, il le protège, le préserve, le garde comme le plus précieux trésor et, lorsque vient pour lui le moment de chanter, il le dévoile jusqu’au cœur avec une voix et des gestes qui ont l’allure et la fascination d’un rituel, performance stupéfiante où son « Elsa! Ich liebe dich ! » à l’inégalable phrasé, s’approprie la langue et on croirait entendre de l’italien. Pour Lohengrin, il refuse évidemment toute grimace et barbouillage sanglant et si on n’a pas envie de rire quand il apparaît pour la première fois engoncé dans son fauteuil, sa cocotte en papier à la main, c’est que, soudain, au milieu d’une guignolade, Lohengrin s’incarne et que commence l’air que sa voix rend divin : « Sois remercié mon cygne bien-aimé », cet air dans lequel l’envoyé de Monsalvat s’adresse au Ciel, au Graal, à Dieu, cet adieu au cygne, déchirant, splendide, que sa voix, sans accompagnement, transfigure. On voudrait qu’il ne s’arrête plus et chante tout l’opéra a capella sans bouger de sa place pour ne plus voir ce qui l’entoure et savourer chaque perfection de ces notes d’or pur et la beauté du visage du héros (que la caméra abandonne préférant filmer ses camardes dans un décor au banal contre-jour plutôt que lui qui chante, chacun ses goûts). Lorsque l’orchestre rejoint son chant pour annoncer les chœurs c’est avec une douceur qui prolonge l’irréalité surnaturelle que le ténor a fait naitre autour de lui. Alors seulement il se lève et va vers Elsa (Vida Miknevicuite). Au moment où le roman de chevalerie met le pied dans la mythologie et les contes et légendes venus de la nuit des temps, Elsa lui promet de ne pas tenter de savoir d’où il vient ni de percer le secret de ses origines.

C’est ainsi qu’à contre-courant d’une mise en scène triviale, Alagna révèle un Lohengrin mystique, le héros christique dans lequel il croit – sans lequel il n’est pas de Lohengrin possible. Privé d’Elsa, caricaturée alors qu’elle est belle et noble, sans paraître troublé par les grimaces qui la désaccordent d’avec lui, il lui dit son amour sans que rien n’altère sa voix ni son expression étonnée et tendre d’extra-terrestre tombé sur une planète inconnue. Elsa, à ce moment, devrait être semblable à lui, dans la même pureté que lui. Sinon, il comprendrait tout de suite qu’il s’est trompé d’amour et rappellerait le cygne sans attendre deux actes encore.

© Jacqueline Dauxois

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Le premier, pour le moment l’unique, Lohengrin d’Alagna

DU FATRAS À L’ALLÉGORIE

13 décembre 2020, Staatsoper den Linden, Berlin.

Il semblait seul, Roberto Alagna, hier soir, pour une unique représentation – sauvée de l’annulation par la retransmission télé -, mais jouée devant une salle vide, tous les spectacles à suivre ayant été annulés.

Unique avantage du covid, l’obligation de se tenir à distance les uns des autres. Privé de tout contact avec ses partenaires, y compris pendant le duo d’amour, entièrement isolé de ses camardes, tout seul, Alagna a sauvé son personnage. Il a chanté la pureté, l’idéal et l’amour. On ne voyait que lui, l’élégance de ses gestes, sa présence romantique envoûtante, on n’entendait que le déployé lumineux d’une voix ensorcelante de tendresse et de volupté, dont l’articulation suprêmement belle ferait croire qu’on comprend l’allemand et que les soleils qui étincellent dans son chant rendent le germanique aussi délectable à l’oreille que le français et l’italien. Sans jamais dévier de la ligne qu’il s’est donnée une fois pour toutes, il a imposé son Lohengrin, nous permettant, derrière nos écrans, de retrouver à travers lui, le légendaire héros wagnérien qu’il incarnait hier pour la première fois.

© Jacqueline Dauxois

A suivre analyse du livret

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Avec Roberto Alagna, « A Riveder le Stelle », ouverture de La Scala, le 7 décembre 2020

En cette année covid-2020, sinistre pour les arts, la Scala n’a pas renoncé à sa traditonnelle ouverture du 7 décembre. Elle a offert un spectacle sans public d’une exceptionnelle beauté. Davide Livermore y avait mis son génie de la mise en scène, son imagination, sa culture, son amour pour les chanteurs et son goût de la perfection. Il a réussi un pari qui semble impossible impossible : un spectacle complet qui réunissait les plus grands chanteurs, les meilleurs danseurs, des textes littéraires (dont un extrait de« Phèdre »), des entretiens, mené avec brio, où le rythme pas un instant ne faiblit. 

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Entretien avec Jacqueline Dauxois par Nicolas Saudray sur « Le Mémorial des Anges oubliés »

                                                                                          24 septembre 2020

Nous avons la chance d’avoir été épargnés par la Troisième Guerre mondiale qu’on nous prédisait. Mais nous souffrons d’un mal plus insidieux, le terrorisme. Et ce n’est pas demain qu’il lâchera prise. Jacqueline Dauxois a voulu savoir, en tant que romancière du presque vrai, ce qui se passe dans les têtes des terroristes. Et elle a situé ce livre sur la Côte d’Azur, d’où un contraste encore plus dur qu’ailleurs entre la beauté de la nature (malgré le béton) et l’horreur des événements. Nous passons brusquement du parfum des orangers et des citronniers à des scènes de viol et de meurtre. Âmes trop sensibles, s’abstenir ! Esprits curieux de notre époque, à vos marques !

NS – Votre roman était presque prêt, dans sa première version, en 2010. Pourquoi avoir différé sa parution de dix ans ?

JD – Imaginez que mon roman ait donné l’idée aux terroristes de faire sauter le carnaval de Nice, croyez-vous que j’aurais pu me le pardonner ?

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Jacqueline Dauxois et Roberto Alagna, 24 septembre et 23 octobre 2020, un roman et un CD

Le 23 octobre 2020, Roberto Alagna sort un CD : Le Chanteur ; un mois avant presque jour pour jour, Jacqueline Dauxois publie un roman : Le Mémorial des Anges oubliés. C’est un hasard, non pour le disque, enregistré cet été, qui paraît à la date prévue, mais le livre, retardé de six mois par la fermeture des librairies pendant le confinement du Covid-19, aurait pu être en librairie n’importe quand. Or, il paraît à la rentrée, précédant le disque de peu.


En cette année d’un désastre culturel sans précédent, beaucoup de livres, retardés pendant des mois par la fermeture des librairies, paraissent enfin.

C’est facile, avec les techniques d’aujourd’hui, d’imprimer un texte rapidement.
Mais tous ces opéras annulés depuis des mois, quand les verra-t-on? Ces machines opératiques formidables, quand pourront-elles se remettre en marche? Est-ce qu’on entendra Fedora, que Roberto devait chanter pour la première fois en juin, à la Scala, cette prise de rôle tant attendue, qui aurait été l’événement de l’année comme celle d’Andrea Chénier l’avait été l’année dernière au Royal Opera House?

Roberto Alagna
en Andrea Chenier, Londres, ROH, 2019

© Jacqueline Dauxois

Voir aussi
Sur Andrea Chenier :

https://www.jacquelinedauxois.fr/2019/05/28/landrea-chenier-transfigure-de-roberto-alagna/
https://www.jacquelinedauxois.fr/2019/06/10/andrea-chenier-et-lanniversaire-de-roberto-alagna/
https://www.jacquelinedauxois.fr/2019/05/11/andre-chenier-et-charlotte-corday/

Sur Manon Lescaut :

 https://www.jacquelinedauxois.fr/2020/07/14/manon-lescaut-avec-roberto-alagna-unique-feu-dartifice-covid-2020/(ouvre un nouvel onglet)

Sur La Rondine :

https://www.jacquelinedhttps://www.jacquelinedauxois.fr/2020/04/16/roberto-alagna-dans-la-rondine-2009-au-met/(ouvre un nouvel onglet)

Charlotte Brontë : « L’Hôtel Stancliffe »

AU ROYAUME D’ANGRIA

Elle l’appelait une « novelette », un petit roman. Il date de sa jeunesse, l’époque où les enfants Brontë créaient des mondes imaginaires pour échapper à l’étouffement du presbytère de Haworth et au vide causé par la mort de leur mère. Ce qui les reliait au monde, c’étaient les journaux et les livres, leurs lecteurs aussi, ils étaient fous de Lord Byron.

Ci-dessus : The Duke of Zamorna (détail) par Charlotte Brontë.

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Les Mario de Roberto Alagna dans la légende de « Tosca »

Roberto Alagna en Mario, Metropolitan Opera, 2013.

22 août 2020

MARIO

Combien de fois il l’a chanté, il ne le sait pas, mais depuis le début de sa carrière, Roberto Alagna a été Mario dans plusieurs mises en scènes exceptionnelles. On peut citer :
En 2000, un film, sous la direction de Benoît Jacquot, avec Angela Gheorghui.
À Orange, en 2010, avec Catherine Naglestad, soprano américaine, la mise en scène était signée Nadine Duffaut.
Alors qu’on attend son prochain Mario à l’Opéra de Paris, en mai 2021, avec Aleksandra Kurzak, pour sa prise de rôle de Tosca, le Met, à sa vingt-troisième semaine de retransmissions, a diffusé, le 17 août 2020, le spectacle enregistré le 9 novembre 2013. 

De tous les Mario légendaires de Roberto Alagna, il y en a un qui compte en particulier pour moi, celui du ROH, celui qui a décidé de mon livre, celui que je raconte au chapitre 2 de la saison I de mes « Quatre Saisons avec Roberto Alagna », celui-là, l’Unique entre tous les uniques dont il me semble parfois que je ne sais plus rien :

« L’être irréel, qui vient saluer entre les plis immenses, n’est que sueur, pâleur et tremblements, jambes brisées, lèvres exsangues, bouche desséchée, halètements, blessure. Il s’incline profondément, comme pour toucher ses bottes de son front. Ses cheveux basculés lui cachent le visage… »

Entretien avec Renaud Capuçon

Renaud Capuçon, répétition du 5 août 2020.

5 août 2020

ENTRÉE

Depuis vingt ans, son violon enchante le Parvis, mais peut-être n’a-t-il pas connu le décor des origines car, après avoir descendu l’escalier au flanc de la basilique de l’Archange saint-Michel, lorsqu’il s’est retourné vers la façade des Pénitents, le 5 aout 2020, il a eu une exclamation d’heureuse surprise : les échafaudages qui, d’habitude, occultent la vue, avaient disparu. Il a souri.

Concert Spirituel : William Christie et les Arts Florissants, analyse et interprétation de Reinoud van Mechelen, Menton, le 8 août 2020

8 août 2020

Au clavecin et à l’orgue, William Christie dirige les musiciens,
Menton le 8 août 2020.


Dans une chronologie inversée, après les flamboiements romantiques du piano de Bertrand Chamayou et du violon de Renaud Capuçon (avec Kit Armstrong au piano) , William Christie et les Arts Florissants révèlent un univers de réserve et d’intériorité.