Les doubles faux adieux du second Trouvère des Chorégies, en 2015.
Retransmission Covid des Chorégies d’Orange
Il a dit qu’il faisait ses adieux à Orange avec le second Trouvère qu’il donnait aux Chorégies. Il ajoutait qu’il reviendrait si on lui proposait quelque chose d’exceptionnel.
Un second Trouvère aux Chorégies, pour lui, ce n’était rien d ‘exceptionnel. Pour le public, c’était une déception, non qu’il ne soit un Manrico idéal, mais on espérait Samson et Dalila, une prise de rôle, qui a été écarté pour des frisons commerciales. La prise de rôle a eu lieu à Vienne dans une mise en scène très attaquée, que je défend et que je préfère à d’autres
Jean-Louis Grinda n’a pas des oreilles de sourd.
Jeune et passionné, il a proposé Samson à Alagna. Le spectacle était prévu il y a un mois à peine, le 1° juillet. C’est devenu la plus tristes des habitudes, hôtel, transport et spectacle annulés. Lorsqu’on voit les entassements au cuisse à cuisse, sur les plages vautrées, dans les cafés, les restaurants, les bousculades dans les rues piétonnes et commerçantes, on se demande vraiment pourquoi. Ils ont voulu discriminer les vieux, ils discriminent la musique, la danse et le théâtre.
L’abominable Covid a tout arrêté. Il est train de nous démolir la vie. J’ai conscience de bénéficier d’un énorme privilège en rencontrant de jeunes chanteurs et, dans quelques jours, un grand violoniste, mais ceux qui n’ont pas cette chance et pas envie non plus de se consoler en faisant la cuisine ou en grillant au soleil, que deviennent-ils en ce moment?
Samson est reporté d’un an. Et en attendant, que fait-on ?
Au dernier chapitre de Quatre Saisons avec Roberto Alagna : « Il Trovatore, les adieux à Orange, sconto col sangue mio », j’ai parlé des « adieux » d’ Alagna à Orange après son second Trouvère aux Chorégies.
À la fin du dernier chapitre, je faisais moi aussi mes adieux.
La tristesse était partout. Je ne voulais pas rentrer. Il était parti avec ses amis. Après lui, tout le monde est parti. Je n’y arrivais pas. Je restais au bord de l’hémicycle vide. Les machinistes démontaient. L’un d’eux m’a demandé si je voulais rester. Je lui ai fait signe que oui. Allez où vous voulez, faites attention aux câbles, par terre. Le démontage du rêve a duré pendant des heures. Je suis restée sur la scène longtemps, après, je suis allée sur les gradins, dans le bruits des marteaux, j’écrivais, je n’ai rien changé, c’est la fin du livre :
« Il (Roberto Alagna) a emporté Otello, il a emporté Marico. Ils sont à lui et, ici, plus jamais… Rien, il n’y a plus rien, rien. Un livre, peut-être, oui peut-être, si un éditeur change en livre un fichier word (1).
Les pieds du dernier machino sont entrés dans le champ de la caméra imaginaire… l’homme a dit, c’est fini, on s’en va. Je me suis retournée pour la dernière fois :
« Addio ».
Les pierres m’ont envoyé le retour :
« Ora e per sempre addio » (2).
Dehors, contre les lourdes grilles, la roulotte attendait d’être embarquée. »
L’éditeur, Le Rocher, m’avait accordé deux cahiers photos ce qui est exceptionnel. J’ai publié quatre de ce spectacle dans le livre.
(1) D’habitude, j’écris quand j’ai un projet accepté, un éditeur et un contrat. Là, j’ai inversé.
(2) (Otello, II, 5)