De Noël à Pâques, de Dickens à Khomiakov, la métamorphose d’un texte.
En 1843, Charles Dickens publie à Londres une nouvelle pour la jeunesse : A Christmas Carol in prose being : A Ghost Storyof Christmas. L’année suivante, en Russie, Alexis S. Khomiakov traduit le texte, ou plutôt, l’adapte. Il faut attendre 2019 pour qu’il paraisse en français pour la première fois, sous le titre : Le Dimanche Lumineux (éditions Apostolia Junior, 2019). La couverture inspirée d’Ivan Kuleff (1) ne raconte rien, mais explique tout : Christmas Carol est un livre pour la jeunesse, pas Le Dimanche lumineux.
« L’originalité consiste à revenir à l’origine, de sorte qu’est original celui qui, avec ses propres moyens, revient à la simplicité des premières solutions. » Antoni Gaudì
La pluie s’est arrêtée. Les platanes s’égouttent. Un soleil rieur tourne les feuilles d’or. C’est un beau jour pour se promener entre églises, cafés, théâtres et palais.
Le livre de Nicolas
Saudray au titre si intrigant : « Napoléon au Brésil », n’a rien
d ‘un roman bien qu’on y sente la patte du romancier, qu’on y retrouve la
qualité d’écriture, l’humour, les phrases à l’emporte pièce de l’auteur.
Le prétexte :
un souvenir d’enfance. Une aïeule raconte au petit garçon qu’un de ses ancêtres,
ancien grognard de Napoléon, a construit à Rio de Janeiro le premier hôtel de
luxe, le plus grand d’Amérique latine, avec bains, baignoire de marbre, pots de
chambre d’argent, billards dernier cri, café, restaurant, huitres et soupe à la
tortue et puis, surprise, le gendre, qui devait succéder au grognard Louis
Pharoux, disparait des radars. De quoi soulever la curiosité d’un enfant, d’un
adulte, d’un écrivain confirmé qui se lance sur les traces de ses ascendants au
gabarit pu ordinaire.
Anne-Sophie Stefanini Cette Inconnue, roman Gallimard, 2019
Le livre
C’est le livre des mystérieux dévoilements des âmes, un roman d’amour qui en refuse le nom, un amour révélé aux dernières pages d’une histoire tissée dans un silencieux et vibrant recul qui tend le récit jusqu’à la découverte d’un ultime secret enfoui dans le passé.
En quatre périodes, qui se répondent deux par deux et portent les noms des personnages présentés dans un ordre d’importance croissant, le rythme se resserre pour peindre, parvenu à la fin, les dernières touches d’un superbe portrait de femme dans une construction en perspective inversée.
Alors que les cinémas sont fermés pour cause de pandémie mondiale, le 29 mai 2020, à sept heures du soir, le Centre de Russie pour la Science et la Culture a exceptionnellement rediffusé Coup de Soleil de Nikita Mikhalkov qui raconte l’un des épisodes les plus tragiques de la Révolution russe : la reddition au pouvoir soviétique de la flotte impériale de la mer Noire, dont c’était le centenaire.
D’après une nouvelle de 10 pages d’Ivan Bounine, le film raconte la chute d’un monde et montre le sort effroyable réservé par les Soviets (les Alliés ne se sont pas mieux conduits envers eux) aux officiers vaincus du général Wrangel.
Elle, Louise, petite factrice, jeune, très jeune en tout cas trop pour lui, Arnaud, gynécologue arrivé, marié, père de deux enfants, bon praticien, bon mari, bon père, bon fils. Elle est drôle et cocasse, bouillonnante de vie, lui sent déjà la naphtaline. Tout les sépare, ce qui les rend irrésistibles l’un pour l’autre. C’est le début de Ma Louise, classique histoire d’amour, en apparence.
Le fou, l’amoureux et le poète, Sont d’imagination tout entiers pétris. Shakespeare, le Songe d’une nuit d’été.
Dans les vieilles maisons où se succèdent les générations, il y a des entassements de livres et parfois vous tombez sur un qui semble neuf comme ce Shakespeare, Les feux de l’envie de René Girard, surgi en plein confinement, un jour où je me persuadais qu’il fallait ranger. La traduction française a trente ans (Grasset, 1990).
Le Suicide de Lucrèce, Lucas Cranach l’Ancien, Cracovie, Pologne.
Je ne connaissais de lui que sa voix. Elle me rendait intacts les héros lyriques de mon enfance, quand ma grand-mème m’inoculait l’Opéra en chantant tous les airs de la terre (à dix ans, je les croyais tous écrits pour sopranos, stupeur et fou rire lorsque j’ai découvert que » n’ouvre ta porte, ma mie, que la bague au doigt » était la sérénade Méphisto) et ceux du temps fervent des JMF. Il faut dire qu’en ces temps-là, avec le catéchisme et le ciné-club, l’Opéra était le seul endroit où on pouvait rencontrer des garçons. Flirter dans l’obscurité d’une salle, à quinze ans, exaltée par les plus beaux airs du monde, chavirer sous le clair de lune enchanteur des projecteurs vous fait des souvenirs pour une vie entière.
Le courant de la vie cependant me faisait oublier les héros de ma jeunesse. La vie et ses remous, la vie et l’écriture, mon phare. Pour écrire et rester libre, j’ai toujours exercé des métiers. L’Université a d’abord été un job comme un autre et après, diplômes en poche, les métiers à portée de la main (1). Tout pour écrire en toute liberté. Comme le temps est élastique, il est arrivé que j’écrive deux livres à la fois. De temps en temps, à n’importe quel âge, je retournais à l’Université suivre un cursus qui me tentait, je passais d’autres diplômes, pour changer d’air et m’aérer la tête.
C’est mon quarantième livre et mon huitième roman contemporain. Le covid me l’a retardé, il devait paraître le 9 février ; si tout va bien, il sera en librairie fin août, publié aux éditions Michel de Maule.
Les enregistrements, les différés, les retransmis, dont nous sommes saturés depuis six mois que la porte des arts nous a été fermée, font croire que la musique est abstraite. La musique est charnelle, pas seulement pour l’interprète. Sinon, d’où viendrait ce frémissement de tous les membres qui vous parcourt l’épiderme, vous frissonne dans les muscles, vous fait battre le cœur en comblant votre esprit, votre âme ? On l’avait presque oublié : Le concert de Bertrand Chamayou est venu nous rappeler que la musique en boîte, c’est pour les jours de jeûne lorsque l’on n’a rien d’autre à écouter. Mais qu’on entende un pianiste de cette stature, on retrouve un bonheur interrompu.
Bertrand Chamayou, au festival de Musique de Menton, 3 août 2020.