CARMEN À LA FOLIE
Le 16 mars 2020, le Metropolitan a démarré sa série de retransmissions gratuites de l’un des opéras les plus célèbres au monde dans une interprétation légendaire de Roberto Alagna et Elīna Garanča, époustouflants dans la mise en scène de sir Richard Eyre, enregistrée le 16 janvier 2010.
Selon le rite du Met, qui change sa rediffusion chaque jour, cette Carmen a été visible pendant 20 heures d’affilée.
À l’Opéra de Paris, qui a un autre rythme, c’est pendant une semaine entière, du 27 avril au 3 mai 2020, que les téléspectateurs pourront visionne l’enregistrement de la soirée unique du 16 juillet 2017 (1). Contrairement à la vision classique de sir Richard Eyre, celle du Catalan Calixto Bieito, résolument moderne et personnelle, apporte depuis vingt ans, un parfum de scandale à une œuvre que Roberto Alagna dit « parfaite ».
Le contraste de ces deux productions, interprétées par les mêmes artistes prodigieux est passionnant.
UN SPECTACLE SANS FILET
Ce que dit Roberto Alagna des conditions de l’enregistrement (2) :
« Cette captation est miraculeuse. On n’avait eu aucune répétition en commun. J’avais fait les représentations quelques mois auparavant dans cette mise en scène avec d’autres chanteurs. Les jours qui précédaient la retransmission, je chantais Turandot à Londres. Je suis arrivé directement et je me suis intégré à la troupe. C’était la première fois que je chantais avec Maria Agresta en Micaëla. Le combat avec le toréador, c’était presque de l’improvisation. Le chef était différent. C’était comme un spectacle sans filet. »
DE LA SALLE À L’ÉCRAN, LE REGARD DU PHOTOGRAPHE
Si vous êtes habitués des spectacles en direct et que la crise du confinement vous fait découvrir les possibilités des captations, vous irez de surprise en surprise. Les spectacles découverts par ce moyen pour la première fois ne posent pas de problème, c’est comme un film vu dans une salle de cinéma.
Pour ceux que l’on connait déjà et qu’on regarde ensuite à l’écran, c’est autre chose.
L’image et le cadrage, comme ce fut le cas pour la retransmission de Don Carlo, sont pour beaucoup dans la différence de perception.
Mais c’est le regard de la caméra sur les chanteurs qui crée le véritable décalage. On parle d’un objectif pour les appareils. Les objectifs ne le sont pas, il y a quelqu’un derrière, une personne subjective – sauf si vous laissez votre appareil enregistrer tout seul et si vous consultez vos mails pendant ce temps. Le résultat, c’est qu’une retransmission ne vous fera pas assister au même spectacle que vous avez vu, de votre place dans une salle ou sur un gradin.
La captation est superbe, les plans d’ensemble aussi bien que les duos, qui, magnifiques en direct, conservent à l’image la sensualité féroce et ardente qui rend compte de la fureur passionnée des amants, des expressions de leurs visages et de leur beauté.
Quelques informations :
Au Théâtre des Champs-Elysées, à partir du 28 avril et pour une semaine, retransmission de Samson et Dalila, enregistré en juin 2018, version concert, avec Marie-Nicole Lemieux, Dalila.
La direction des Chorégies a annoncé que Samson et Dalila, annulé cette année, est reporté en 2021.
Les incertitudes ne sont pas encore levées sur la Carmen du 19 septembre, au Stade France. Dans le cas d’une annulation, Roberto Alagna a annoncé hier sur France Musique qu’il cherchait une date de remplacement avec les organisateurs.
On aimerait avoir la même certitude pour Fedora de la Scala.
© Texte et photos Jacqueline Dauxois
A relire sur le site :
1)
http://www.jacquelinedauxois.fr/2017/09/02/le-don-jose-de-r…-lopera-de-paris/h
2)
3)
Notes :
(1) Avec Elīna Garanča dans le rôle titre.
Maria Agreste (Mimi en janvier dernier au Met), en Micaëla, remplaçait Aleksandra Kurzak.
(2) Le Figaro du 28 avril 2020, propos recueillis par Thierry Hillériteau.
© textes et photos Jacqueline Dauxois