À Montmartre, un bruit d’escalier
Une rumeur d’escalier chuchote qu’une jeune femme écrivain vient s’installer sur mon palier. L’escalier ignore son nom, mais je suis curieuse de cette jeune femme qui se lance en écriture, et l’idée me papillonne de l’inviter avec son mari . Quand j’ai commencé, les éditeurs vous réclamaient des livres, s’inquiétaient si vous tardiez, on a fêté mon troisième roman à l’Oustau de Baumanière ; les cocktails littéraires se déroulaient sur les tapis rouges des hôtels étoilés ; personne, en ce temps-là, n’aurait eu l’idée de s’aller enfourner au Parc des Expositions, comme des vaches ; le Salon du Livre, c’était à Nice et, du Carlton au Negresco, du Negresco au Plazza, on se faisait visiter nos chambres, nos suites, nos piscines sur les toits ; on allait d’un saut signer à Cannes, au Martinez ; Cartier nous offrait des stylos en or… Je ne dis pas que nous ne mangions pas de la vache enragée, sauf quelques-uns, quelques-unes dont je n’étais pas, cela décuplait le plaisir de piquer les parquets de nos talons aiguilles de quinze centimètres avant de rentrer à la maison renfiler son vieux jean pour écrire. Maintenant que les salons du livre sont foires à écrivains, que j’ai vu dans un train réservé deux cinglées qui se prétendaient écrivains remplir de vin rouge des bouteilles d’eau minérale, faire un trou dans le bouchon de plastique et se gicler pendant que j’ouvrais mon parapluie, cette voisine qui débute, m’intrigue.
Mais au fait, le mari ?
Que fait le mari de l’écrivain ?
L’escalier ne sait.
L’escalier dit que le mari est plus âgé. C’est parfait. Le mien, celui qui a compté, avait l’âge d’être mon père. C’était parfait.
Jet lag
Un jour où je rentre de New York, leur mobilier escalade par la fenêtre leurs quatre étages voisins des miens. J’interroge l’escalier qui s’amuse d’avoir deux écrivains sur le même palier. L’escalier ignore que ce n’est pas deux mais trois et n’a aucune information sur la jeune femme écrivain. Pas même son nom.
L’escalier ne sait rien de rien.
Le soir, ils sont là, un couple avec un petit garçon à croquer, au pied de l’escalier. Le mari dit qu’il est « écrivain aussi ». Il parle de mes livres, alors là, stupeur, et puis il dit son nom et raconte un voyage avec un autre écrivain, aujourd’hui disparu, qui m’avait raconté leur voyage, à l’époque.
Ce n’est pas le jet lag qui m’a sonné, c’est lui, l’écrivain « aussi ».
La traversée du palier
Quitter Samson dans sa loge du Met, dire au revoir à Roberto Alagna sur l’esplanade du Lincoln Center, trouver en rentrant à Montmartre Patrick Besson et Anne-Sophie Stefanini au pied de mon escalier, c’est une jolie histoire.
Quelques jours plus tard, nous avons inauguré la traversée du palier.
Il m’a offert son « Milieu de terrain « qui vient se sortir en librairie. Je lui ai fait le même cadeau en ne lui donnant pas « Le Péché du roi David », paru avant l’été.
Après en avoir abusé dans une autre vie quand il arrivait quatre cents livres au Magazine Littéraire, au Matin, au Quotidien à chaque rentrée et que nous ne savions pas comment nous les partager, je n’écris plus dans aucun journal. Mais sur mon site, pourquoi pas ?
Ce que ne dit pas la Quatrième de couverture
Ce que ne dit pas la quatrième de couverture de Patrick Besson, c’est que ce roman est bourré d’humour, d’une insolence décapante, d’un politiquement très effronté et d’autant plus régalatoire (la marque de fabrique de Besson), de retournements incroyables et d’informations ahurissantes sur le football, de matchs cocasses où l’on voit (car on le voit) un malheureux joueur programmé pour, avant de se faire descendre, à tous les coups, marquer contre son équipe comme il arrive au baby-foot, que ce livre est capable d’accrocher même quelqu’un qui ne connaît pas grand chose à la question mais s’amuse pendant la coupe du monde quand les petites (à l’écran) jambes de toutes les couleurs courent dans tous les sens avec leurs grandes chaussettes et que, parfois, ils marquent un beau but.
À lire Le Milieu de terrain, on croirait que Besson est né dans un ballon, mais non, la liste des personnes qu’il remercie à la fin montre qu’il a potassé son sujet avant de le distiller avec ses mots, de le tonifier avec ce style qui est le sien. Il ne faut pas me demander quel est le roman de Besson que je préfère, c’est « Le Milieu de terrain » qu’il m’a donné.
Si quelqu’un prétend que je poste ces lignes par copinage, voisinage ou autre « age » tout aussi désobligeant, c’est quelqu’un qui n’a rien compris à l’électron libre que je suis.
Sur mon site, j’ai j‘ai parlé de Pavel Lounguine, de Philippe Jaroussky, d’Elisabeth Leonskaia, du flamenco, des chants polyphoniques piémontais, d’Anne de Kiev,, j’ai mis en ligne dix-sept articles sur Samson, je vais continuer d’utiliser ce support d’une si magnifique liberté.
Ci-dessus, le livre que m’a donné Patrick Besson.
Ci-contre, celui que je ne lui ai pas offert.
© Jacqueline Dauxois