Le 24 février 2022, sortie en librairie de mes « Nouvelles d’un monde cruel ». C’est beaucoup plus qu’un livre de plus pour moi, celui-là, c’est ma victoire sur la mort et sur la trahison. C’est un moment charnière entre deux vies, puisqu’une chauffarde et un abandonneur ne m’ont pas exterminée et, qu’après des mois entre morphine et opiacées, et l’incapacité d’aligner deux mots, je suis en train d’écrire mon prochain roman, comme avant, dix pages par jours certaines nuits.
J’écrivais ces nouvelles quand j’ai été écrasée.
Dès que j’ai pu recommencer à tracer quelques lignes, entre deux opérations, j’ai annoncé que je les publierai en ajoutant « Trahison ».
Je l’ai placé en tête du volume, locomotive de mes « Nouvelles d’un monde cruel » dont j’ai raconté certains épisodes (différents de ceux que je décris dans le livre) sur mon Facebook avant d’en faire un texte.
J’ai été renversée par une voiture démente le 3 octobre 2020.
Je venais de publier un roman sur le terrorisme : « Le mémorial des anges oubliés ». Je l’avais écrit dix ans plus tôt, mon idée était si bonne que je n’ai pas voulu la diffuser. L’attentat de Nice, m’y a décidé. Ils ont fait sauter un 14 juillet, j’avais choisi le carnaval. À la parution du « Mémorial des Anges oubliés », j’avais presque fini le livre de nouvelles qui devait suivre, un an après.
Ce qui a suivi, ce furent quatre opérations. Pendant plus d’un an, je n’ai pas pu écrire. Mais avec un an de retard, j’ai terminé les « Nouvelles d’un monde cruel », qui démarre avec l’histoire du double attentat perpétré contre moi : « Trahison ».
Chronologie des opérations qui m’ont volé une tranche de ma vie.
La première, le 6 septembre 2020, en orthopédie, dans une clinique pourrie.
La deuxième, le 22 février 2021, à l’hôpital Sant-Antoine, opération en orthopédie, nettoyage du matériel de la cheville suivi d’une hospitalisation en en maladies infectieuses pour trouver le germe d’une infection niée par la clinque.
La troisième, je croyais la dernière, le 21 octobre 2021, enlèvement du matériel, à Saint-Antoine.
La quatrième, le 24 novembre 2021, à l’hôpital fondation Rotschild.
Entre les deux premières et les deux dernières, j’ai passé un été normal, sauf que je ne pouvais plus nager dans la piscine d’Orange, où les Chorégies donnaient « Samson et Dalila », je coulais, parfois je partais en vrille, un jour, je suis passée à travers la fenêtre de mon bureau, une nuit, en fêtant le concert de la « Nuit verdienne » à Orange, je me suis renversée en arrière, je ne respirais plus, il paraît, ces choses gênent un peu.
Ci-dessous : avec Roberto Alagna, Samson,
dans sa loge archi-interdite.
N’empêche, l’été dernier, j’ai commencé à revivre, j’ai recommencé à photographier à l’Opéra, dans la mesure où Covid le permettait – et à écrire. Les choses repartaient, sauf en bioéthique médicale où la manipulation des dossiers se change en épreuve technique et où des changement radicaux affectent les CPP (je suis membre de celui de l’hôpital Saint-Antoine) visant à en faire des machines à approuver avec obligation d’écrire les rapports en anglais. Approuver quoi ? Mais tout. Tous les dossiers sur lesquels nous avons à rendre un avis, sur les vaccins, les bandes de colntention, les médicaments, les expériences sur l’humain…
Après Orange et le Cav/Pag de Vérone, je me croyais guérie lorsque j’ai dû quitter Monte-Carlo où j’assistais à « Madame Butterfly », pour une opération en urgence à l’hôpital fondation Rotschild de Paris : le choc de l’accident avait fait bouger le cristallin, il fallait l’enfourner dans un sac et le recoudre à sa place.
Ce dernier épisode en ophtalmo, n’est pas dans « Trahison », j’avais déjà rendu le manuscrit.
« Trahison » est donc la première des « Nouvelles d’un monde cruel ».
Les chocs de la mort frôlée dans une rue de Montmartre, l’abandon par un ami chef de service dans un hôpital de la banlieue parisienne. Une leçon d’anatomie sur les hôpitaux en pleine tourmente Covid et la dissection d’une amitié assassinée. C’est un texte colérique et violent mais aussi un texte d’espoir. J’ai eu tant de chance ! Les vrais amis, ceux de la garde rapprochée, ont lutté avec moi contre ma mort. Je serais où, sans eux ?
J’ai bien fait d’écrire à vif, dès que j’ai pu, j’ai oublié à quel point je souffrais sans trouver rien pour me calmer. « Trahison » finit bien, sur le soleil d’une nouvelle vie, celle qui se lève aussi… dans ma vie.
Juste avant la sortie de mon livre, l’Opéra de Paris, me donne, comme avant, avant la Covid et avant l’accident, une place de photographe pour la générale de « « Manon » et le Metropolitan Opera de New York m’en donne une pour la générale fermée de « Tosca» .
Sur ce qui est devenu la première nouvelle, j’ai publié de petits posts sur mon Facebook. Déjà, j’annonçais le livre à venir et la volonté d’écrire la double blessure de « Trahison ».
Sur Facebook, le 5 mars 2021
TRAHISON !
Si j’étais cheffe de service d’un hôpital de la région parisienne et qu’un de mes amis, écrasé par une auto folle, ayant été transporté dans un hôpital, plâtré en hâte, renvoyé à la maison le soir même, un samedi, en attendant que l’hôpital N’importe Quoi où les pompiers l’avaient transporté contre sa volonté lui ait trouvé un chirurgien, si cet ami m’avait dit par qui il voulait être opéré, j’aurais tout mis en œuvre pour le faire admettre dans ce service.
Si cet ami, deux jours plus tard, transporté dans une clinique Poubel’ m’avait appelée pour me demander de le tirer de là et de le faire opérer par les confrères orthopédistes de mon hôpital (l’administration Poubel’ était d’accord pour le transfert dans un autre établissement hospitalier), j’aurais tout quitté pour venir le chercher.
C’était moi, la blessée. Je redoutais ce qui s’est effectivement produit, une opération ratée, les os collés en escalier et l’infection nosocomiale la plus redoutée des hôpitaux, le staphylocoque doré qui me vaut une deuxième opération en attendant la troisième, pour enlever le matériel.
Le chef de service, c’était mon prétendu ami.
Il m’a répondu qu’il lui fallait deux jours pour organiser mon admission dans son propre hôpital. C’était parfait pour moi. Lui, pour se défiler encore une fois, ne pas décocher son téléphone encore une fois, a proféré cette énormité : aucune ambulance n’accepterait de me transporter ! Toutes les ambulances vous conduisent au Kamchatka si vous voulez. D’une banlieue à l’autre en tout cas. Vous pouvez vérifier. Et la Poubel’ avait déjà accepté mon transfert.
Au prétendu ami, je dois d’avoir connu l’enfer. Mais je l’ai traversé.
Et je vais raconter.
Je serai la voix des malheureux au bec cloué, de ceux qui, à la Poubel’ ne reçoivent pas, dans leur chambre, la visite du chirurgien et du chef d’étage s’aplatissant, jurant qu’il ne se produit jamais un tel scandale dans leur clinique, que si je voulais bien ne pas en parler, ne rien écrire sur le sujet, on m’offrira gratis café et croissants ! Les ortolans, c’est pour quand on finit amputée ? Je parlerai pour les muets. Comment je m’y prendrai, je ne sais pas encore, sur le site web, sur Facebok, dans un livre, on verra, je n’ai pas oublié que, dans ma jeunesse, les seuls articles qu’on me refusait, étaient ceux sur les hôpitaux pourris, les EPADS et autres mouroirs.
J’ai tenu la promesse que je me faisais alors.
DÉDICACE
« Trahison » est devenu la première des « Nouvelles d’un monde cruel », elle raconte une histoire vraie, la mienne, des ténèbres de la mort programmé à la lumière de la renaissance.
Le livre est dédié à ceux qui m’ont gardée vivante, en première ligne, des ami(e)s qui ont eu un comportement exceptionnel pendant des mois et des presque inconnus qui ont fait, à un moment donné, le geste qui m’a sauvée.
Cinq jours avant qu’on ne me transporte en urgence, pour la deuxième opération, six mois après la première, à l’hôpital que je voulais depuis le jour de l’accident, le journaliste de France culture, Alexis Kryssostalis est venu enregistrer une émission sur « Le Mémorial des Anges oubliés » avec son équipe. Ce sera probablement ma seule consolation pour ce roman, paru huit jours avant l’accident et le premier travail de mon attachée de presse a été de décommander trois cents invitations lancées pour une signature à la libraire des Abbesses.
Mon Facebook m’a servi de journal et de bouée, à partir du moment où je suis arrivée à écrire ce qui débordait. de moi en rage, désespoir et colère. Je me suis acharnée sur ces petits textes, on me reprochait mes fautes, je voyais un miracle dans le fait d’aligner trois lignes. Une phrase correcte était une victoire. Mais écrire, c’était le nez sur l’ordi. Relire, un supplice, encore un peu parfois maintenant.
Sur Facebook, le 3 novembre 2021
CONFESSION D’UN ÉCRIVAIN DANS UN COULOIR D’HÔPITAL
Accident.
Première opération, le 6 octobre 2020.
En treize mois, et trois opérations, j’ai acquis une expérience radicale des hôpitaux.
Le 3 octobre 2020 (jusqu’à ce matin où je veux établir la chronologie, je croyais que c’était le 3 septembre tant ma mémoire a été perturbée), une folle m’a écrasée au marché, un samedi, à quatre heures de l’après-midi, au milieu des poussettes, des gamins et des anciens du quartier. Les pompiers me transportent là où je ne veux pas l’être. Ils sont contents que je n’ai pas été tuée, essaient de m’empêcher de m’évanouir, l’angle de ma cheville me donne mal au cœur, évidemment elle est cassée, ils disent que c’est un miracle que je sois en vie. Je voudrais qu’ils me laissent partir où je suis en train d’aller, où je ne souffre plus. Stupeur des pompiers : L’hôpital près de chez moi est pratiquement désert. Aux urgences, on me dit que j’ai du courage parce que je refuse qu’on découpe mon pantalon, que je veux l’enlever. Vous allez souffrir. Ça, c’est fait, et je ne veux pas jeter ce pantalon, j’aime pas faire des courses. Je l’ai retiré, ça les embête parce que c’est plus long qu’un coup de ciseaux et qu’ils n’ont rien d’autre à faire puisque c’est vide grâce au Covid qui n’a encore rendu malade personne, ils anticipent, je les dérange. On me demande où j’ai mal. Après un vol planté, retombée sur le dos, on a mal partout, ils le savent aussi bien que moi. Je dis partout, ils traduisent nulle part, pour que je dégage. Ils me disent que j’ai une fracture. Savent pas lire une radio. Il y en a trois. En deux heures, ils ont fini, radio et plâtre, aucun autre examen. Ils n’ont pas le droit de me renvoyer dans cet état, sans m’opérer d’abord, seule, quatre étages à pied, un samedi soir. Ils ne l’ont pas, ils le prennent.
Le mardi 6, ils téléphonent qu’on m’opère à Bagnolet. J’habite Montmartre ! Je ne veux pas être transportée là-bas. Dans Paris, tous les hôpitaux sont vides, tous les lits vides gardés pour le Covid à partir de la fin de la semaine. Justement on a jusqu’à la fin de la semaine pour m‘opérer dans Paris! Vous faites ce qu’on vous dit ! Le cauchemar, commencé trois jours plus tôt avec la trahison d’un faux ami (ce que je n’avais pas encore compris) s’est concrétisé là, tombée aux mains d’ambulanciers qui m’ont fait attendre des heures, qui ne me sanglaient pas sur le brancard, et je tombais dans les virages, oubliaient mon fauteuil sur le trottoir, me faisaient geler ou suffoquer dans des ambulances qui ressemblent à des petits cercueils, où vous êtes installé à l’envers, sans aucune vue sur le monde extérieur, qui râlaient de venir chercher 49 kilos au quatrième, qu’est-ce qu’ils font quand ils tombent sur un gros ? ils le lâchent ? qui m’ont fait attendre un jour plus de trois heures dans le hall de Bagnolet. Plus encore une demi heure quand l’accueil a commencé à s’inquiéter pour moi. Bagnolet m’a infectée. Opération infection. Staphylocoque doré. Le 5 décembre, dès qu’on enlève le plâtre, je vois ces ouvertures de chair enflée complètement anormales, je dis que c’est pour ça que j’ai si mal. Bagnolet refuse de reconnaître le dégât.
Un sursaut de terreur.
Après six mois où je m’effondre de souffrance, où je passe du Tramadol à l’Aktiskenan qui me font le même effet que des bonbons acidulés, où j’ai mal jour après nuit tandis que Bagnolet qui voit pourtant à quoi ressemble cette cheville, ressasse que c’est normal, dans un sursaut de terreur à l’idée de remonter dans ces ambulances infernales, je dis que préfère crever chez moi, parce que je sais que c’est de ça maintenant qu’il s’agit, plutôt que d’ajouter un petit supplice à l’autre. Une amie : « Si tu t’obstines, on va finir par t’amputer », me procure un sursaut de raison. Je sais à ce moment que celui que j’avais appelé à l’aide, parce que c’était logique d’appeler un ami chef d’un service d’urgences en banlieue parisienne, est un menteur et un voleur, et m’a abandonnée. Il me vient la force d’échapper à l’engrenage qu’il a laissé mettre en branle autour de moi. J’arrive à téléphoner. La photo de ma cheville que ma généraliste avait en vain envoyée à Bagnolet, comme une bouteille à la mer, je l’envoie à Paris, là où je voulais être opérée.
C’est un samedi soir. Là, rien ne traîne.
Deux jours plus tard, le lundi 22 février 2021, deuxième opération.
Le chirurgien est à la montagne. C’est un dimanche de vacances, il m’appelle, j’en aurais lâché le téléphone de surprise, il a déjà donné ses instructions à son équipe pour qu’on m’opère en urgence le lendemain matin dans cet hôpital – où celui qui est médecin, diacre (un comble) et prétendu ami, n’a rien fait pour me faire entrer six mois plus tôt – et m’a détruite avec ses éhontés mensonges.
C’est le sujet de ma nouvelle « Trahison » à paraître l’année prochaine dans « Nouvelles d’un monde cruel. »
J’arrive enfin à me l’avouer, cette trahison a été la pire souffrance.
Sans mes amis, les autres, les vrais, j’en serais où?
En attendant, on me sauve de l’infection, je le sais. La douleur a changé de cap. L’intensité est pareille, mais le corps sait que tout le matériel a été correctement lessivé, le pus enlevé, lavé, nettoyé. C’est une souffrance propre, je ne sais pas mieux dire, je peux la cerner ; l’autre celle de l’infection, je ne pouvais pas, mon corps entier vibrait, lacéré, percé, là, non, c’est la cheville, rien d’autre, elle a mal, elle, pas moi, et la souffrance est prise en compte, par le personnel ne la laisse pas craquer le niveau 10 des scores, pas comme à Bagnolet où on se tape la tête à coups de poings.
UN AMI VRAI
C’est dans cet hôpital qu’un ami, grand écrivain et grand monsieur, en dépit de la Covid et des interdictions de visite, m’a déposé livres, cahiers et chocolats à l’accueil. À sa deuxième visite, les bras chargés de tout ce que j’aime, dont j’avais oublié l’existence en six mois, on lui a permis de venir jusqu’à la porte de ma chambre. Je ne voulais pas qu’il me rende visite à la maison dans l’état où j’étais, à l’hôpital c’est différent. Il m’a appelée tous les soirs depuis la première opération. Jamais nous n’avons été si proches que lorsqu’il a entrepris pour moi ce sauvetage dont il ignorait qu’elle allait se prolonger plus d’un an. C’est grâce aux « Chroniques » de Vialatte qu’il a choisies pour moi sachant que je ne parviendrais pas à lire plus d’une page ou deux à la fois, et m’a apportées ce jour-là, que j’ai recommencé à pouvoir lire pour la première fois depuis sept mois. J’étais bien obligée, chaque soir, il vérifiait. Un seul traitre et quelques-uns comme lui à me forcer à vivre, j’y ai gagné.
Le temps qu’on trouve quel germe m’avait infectée, ce staphylocoque doré, ils ont préparé le cocktail sauveur et m’ont branchée. Entre la machine et moi, un mètre de tubes, donc, pas d’autonomie et je bouge tout le temps quand on ne me démolit pas. À Orange, où je commençais à marcher, une voix me disait : « Ne cours pas », j’étais trop contente pour m’en empêcher et comme ça, j’entendais la voix encore une fois. Le plus long a été de comprendre le fonctionnement de la machine pour arriver à me débrancher le temps d’aller dans mon cabinet de toilette sans qu’elle couine pour ameuter le personnel. Ils ont dû croire que j’étais un pur esprit pour n’avoir, pendant douze jours, pas réclamé une seule fois de l’aide pour quitter mon lit, procéder à de quotidiennes ablutions, retirer et remettre les camisoles d’hôpital puisque la mienne, ils ne m’avaient pas laissée la tirer de mon sac. La leur est plus pratique, sauf quand il s’agit de passer par la manche le tube de la machine, mais c’est faisable avec un peu gymnastique, pas trop, faut pas tomber. La meilleure tactique consiste à fractionner les opérations sinon, c’est trop de fatigue, trop long et la machine couine. Au premier débranchage, se contenter de préparer les affaires de toilette, parce que s’il faut retourner chercher par exemple une serviette dans la chambre, c’est pas gagné. Le fourbi, on le met dans un sac qu’on accroche à la béquille et le tour est joué. Ensuite, on se la joue dans le style cassate sicilienne. Ablutions en deux ou trois fois, c’est le mieux, la fatigue est tronçonnée, on retourne sur le lit pour récupérer, on rebranche la machine chaque fois avant de repartir à l’assaut des robinets. Le plus difficile c’était, sur un pied comme un héron dans un marais de Camargue, de remplir la bassine et de la poser par terre sans la renverser pour baigner le pied valide. L’heure idéale pour cette occupation se situe entre le dernier passage de l’équipe de nuit et l’arrivée de l’équipe de jour, comme on ne dort pas, ça fait passer le temps, les soirs où il n’y a pas de lune. Le risque de se faire attraper pour débranchement, est pratiquement nul et je n’ai fait aucun tort ni à moi ni la machine.
Avant cette deuxième opération qui m’a sauvée, j’avais mal et ne pouvais pas marcher.
L’idée d’avoir aimé de tant d’affection un traitre aussi était un tourment. Je n’aime pas ne pas comprendre. Aujourd’hui, je crois qu’il est un mort vivant et qu’il subit ce qu’il est lui-même (idée empruntée à une amie), torturant les autres au passage quand l’occasion se présente de faire le mal sans risque pour lui. Je n’arrivais pas à vaincre ce mal là qui n’est pas du ressort des bistouris. Deux circonstances extérieures, m’ont sauvée de ce malheur aussi.
Entre les deux premières opérations
UN ENREGISTREMENT A LA MAISON
Alexis Chryssostalis m’a demandé un entretien pour France Culture sur « Le Mémorial des anges oubliés ». Je ne pouvais pas quitter mon appartement depuis des mois. Il a dit qu’il venait chez moi avec son équipe. Alors, le « Mémorial des anges oubliés » n’était pas complètement anéanti, il l’avait lu, aimé, il allait en parler. Je n’avais plus envie de sombrer, mais qu’on me remette en place la porte de la cuisine qu’il avait fallu enlever pour le passage du fauteuil qui se bloquait dans le chambranle à plus pouvoir avancer ni reculer. Comme j’avais débarqué toutes les aides qui ne m’aidaient pas mais me phagocytaient, j’ai fait un ménage spécial. Je poussais l’aspirateur devant le fauteuil, c’était un peu long, mais ça allait. Dérouler les tapis roulés pour permettre le passage des roues, a été dur, sans une amie journaliste et chanteuse, je n’y serais pas arrivée toute seule.
J’avais à peine reçu cette nouvelle d’Alexis qu’une autre, affreuse, m’est tombée dans le téléphone.
Une voix si lointaine
C’était une voix si chère, mais lente, lointaine, si lointaine, à peine articulée. Covid-19. Il appelait de l’hôpital, il ne savait pas s’il allait mourir. Il n’avait pas mis la vidéo, je pouvais pleurer. Comme l’homme dans le couloir, il est un vrai ami, un homme de courage, sûr, loyal, généreux, fidèle, un être de lumière qui me défend toujours, avec qui je suis unie par « une confiance mutuelle », ce sont ses mots. Quand nous avons raccroché, j’ai su que j’avais plus urgent à faire que préparer la salle à manger pour l’équipe d’Alexis.
Je n’avais pas quitté l’appartement depuis des mois. J’y circulais en fauteuil à roulettes et parfois, je faisais quelques pas avec le déambulateur badabang, badabang, badabang. Les béquilles, je ne suis jamais arrivée à ne pas les croiser devant moi parce que j’ai mal aux mains envoyées en avant pour empêcher la voiture de m’écraser et elles me lâchent sans préavis. Samson aurait pu l’arrêter, moi pas.
J’ai décidé de sortir. J’ai descendu les escaliers agrippée aux barreaux, parfois assise sur les marches. J’avais pris une béquille en bandoulière attachée avec un cordon de store. Je suis arrivée à pousser la porte en bas de l’escalier ; pour celle de la rue, impossible de la remuer en tenant pas bien debout. J’ai attendu que quelqu’un entre ou sorte. Ce fut un papa avec deux gamins que j’intriguais. Je les ai fait rire avec la béquille, le cordon du store et la cheville dans sa couche culotte. Béquille en avant, j’ai traversé la rue, bleue de frousse. C’était pas loin de là qu’on m’avait démolie. La Covid faisait le vide, mais des autos il en passait quelques-unes. L’église est en face. Pas loin à marcher. Ça m’a semblé la traversée de la mer Rouge avec la menace des armées de Pharaon. Je voyais des bolides qui me fonçaient dessus. Même à un escargot j’aurais fait de signes désespérés pour qu’il s’arrête et ne m’écrase pas. La porte d’entrée de l’église, elle est pas dure, mais je n’y arrivais pas, là encore j’ai eu de la chance quelqu’un m’a aidée à entrer. J’ai rempli mon sac de cierges, surtout des rouges et des gros qui durent longtemps parce qu’il a la foi, lui, une foi belle et pure qui lui ressemble, sans patenôtres et sans bondieuseries, une flamme, comme lui. Je n’avais pas prié depuis l’accident et la trahison. J’ai prié pour lui, du coup, pour moi aussi, ce que je ne fais jamais parce que je n’ai pas d’intérêt, là, on en avait besoin tous les deux, je me suis ajoutée, en liste d’attente, après lui. Il y a dans cette église une Madone. Je lui allumé des bougies pour lui. J’ai remonté les autres à la maison. Je pensais ne plus sortir après cet exploit. J’ai recommencé. Chaque fois, j’allais un peu plus loin de chez moi, d’église en église, de Madone en Madone.
Les Madones de la Butte
Quand j’ai pu grimper jusqu’au sommet de la Butte, c’était poussif d’accord, mais on était sauvés, lui et moi. J’avais un contrat avec la Madone : si elle ne peut en sauver qu’un, comme elle est débordée par les demandes et que peut-être manque de places, c’est lui. Tous les deux vivants, j’étais capable d’affronter la deuxième opération et d’apprendre qu’il y en aurait une troisième. Ça m’a pas fait plaisir, pour ça non. J’ai prévenu mon chirurgien que j’allais profiter de l’été avant la troisième. Je ne raterais pas un concert, un Opéra. J’en ai raté, bien sûr, pas l’essentiel, mais tout de même le Festival de musique de Menton auquel je suis attachée. Trop fatiguée pour seulement demander ma carte de presse. Orange m’avait vidée de mon courage.
Roberto Alagna, concerts et opéras de l’été 2021
L’essentiel, ce fut en juin, le concert de Roberto Alagna à Saint-Denis, premier concert en vrai, avec du public, la renaissance, une merveille !
Ci-dessous, le concert de la renaissance, à Saint-Denis.
Ensuite Orange, « Samson et Dalila » ça m’était égal de grimper certains jours les gradins à quatre pattes avec mon matériel photo sur le dos. J’y suis allée, répétitions, spectacles. Roberto Alagna époustouflant sur scène et si généreux. Mon badge servait à rien. Vaccin 2 doses et test en plus, servait à rien. Coulisses interdites, il m’a emmenée. Scène interdite, il m’a emmenée. Loge interdite, il m’a fait entrer avec lui.
Ces fulgurantes joies passées, restait un inévitable résidu de tristesse.
Ci-dessous, Ludovic Tézier dans Rigoletto, Opéra Bastille.
Ensuite, « la Nuit verdienne » avec trois des plus sublimes voix du monde : Roberto Alagna, Ludovic Tézier, Ildar Abdrazakov, un feu d’artifice incroyable.
Et Tézier, à table à côté de moi, qui me sauve du trou noir où j’étais partie.
Ensuite « Cav/Pag » à Vérone avec Roberto Alagna et Aleksandra Kurzak, une révélation dans sa première Santuzza.
Ci-dessous,
l’Opéra de Vérone m’a donné l’autorisation photo
pour les répétitions de Cav Pag, juillet 2021.
Et Vérone encore une fois avec Roberto Alagna, éblouissant.
Et encore, fin août début septembre, « Madama Butterfly » à Berlin avec Aleksandra Kurzak et Roberto Alagna.
Depuis, rien.
Troisième opération, le jeudi 21 octobre 2021
Les premières interventions, faites en urgence toutes les deux, j’avais échappé au circuit administratif réalisée dans des conditions habituelles. Là, j’ai fait le parcours au complet. J’avais choisi la consultation anesthésie en visio, j’aurais préféré audio, mais eux pas, disaient que ça n’existait pas. Le jour venu, la visio ne fonctionnait pas, on a fait de l’audio, c’était inutile d’ailleurs j’avais déjà répondu à toutes les questions le 22 février. Comme d’habitude, ils ont été surpris que je ne suive aucun traitement et ne sois abonnée à aucune drogue pharmaceutique. À part si on me massacre en auto, je vais bien. Après trois opérations, j’ai des provisions chez moi. Elles m’ont bien servi quand mon voisin a fait une crise de goutte, un samedi soir. Lui d’ailleurs quand j’avais une ordonnance de Doliprane, qui ne servait à rien dans on cas, il avait ce qu’il fallait pour moi. J’ai eu ce qu’il fallait pour lui. C’est une manie d’écrivains pour être bien sûrs d’être mal soignés et d’avoir quelque chose à raconter : On se bousille le samedi soir quand le lendemain tout est fermé.
Le vendredi 5 novembre le chirurgien va enlever les fils.
Quatorze mois après l’accident, cette troisième opération me laisse un drôle de souvenir.
Pour les deux premières, en urgence toutes les deux, c’était rude, j’étais très mal, donc chambre seule. La Covid régnait, donc visites interdites. Un seul ami a forcé les barrages, je l’ai raconté J’avais gardé le souvenir d’un hôpital refuge où on vous guérissait et où on vous permettait de récupérer vos forces.
Une chambre pourrie
Pour la troisième, pas de chance, plus de Covid. On venait de m’enlever de la cheville onze vis et une plaque posées de travers qui me faisaient saigner à l’intérieur, formaient une patte d’éléphant, avec, ultime déco, la tête d’une vis qui pointait sous la peau.
Sortie de la salle de réveil, pas de chambre seule, rien d’étonnant, l’administration n’arrête pas de fermer des lits en pleurnichant qu’elle n’en a pas assez. Comme je n’ai pas le choix, je me console en me disant que ce ne sera pas long, je souris, résignée à partager une chambre, ce qui pour moi, qui n’ai jamais pu de toute ma vie, sauf avec un homme que j’aime à la folie, et je n’aime qu’à la folie, partager une chambre avec quiconque, est une épreuve. J’affronte. Avec le recul, il me semble que je préfèrerais la promiscuité d’une chambrée à dix que cette cette intimité forcée à deux, en fait je n’en sais rien.
Là a commencé un autre type de cauchemar que celui que vivais depuis treize mois, très anodin en fait puisque j’ai pu y échapper.
En temps normal, les visites sont autorisées de 1 h à 8 h de l’après-midi dans les chambre à deux lits, ce qui est de la pure dinguerie, effarant pour celle ou celui qui n’a pas de visites et doit supporter celles des autres pendant 8 h d’affilée !!! C’est un dérangé grave qui a concocté ce règlement qui néanmoins et sachant qu’il ne sera respecté par personne, précise, une personne à la fois, avec masque. Sortant de la salle de réveil (manquante à Bagnolet) je suis arrivée dans la chambre à 1 h de l’après- midi. La voisine de lit avait trois personnes avec elle, sans masque. J’étais terrifiée d’attraper n’importe quelle saleté, pas forcément la Covid, n’importe quoi, alors que, hormis mes escapades de cet été je vis dans le coton depuis quatorze mois. Ça a duré jusqu’à 8 h du soir non stop, je n’ai pas eu un instant pour reprendre mes esprits. Comme la voisine avait mangé des chocolats, elle a vomi. Bassin/odeur et comme elle n’allait pas dans la salle de bains, bassin. Et réflexions du personnel et des proches sur ce qu’elle « faisait » et la nature de ce qu’elle « faisait ». Bassin/odeurs/puanteur. Mon lit était près de la fenêtre. J’ouvrais. On ne peut pas ouvrir plus que quelques centimètres. J’étais gelée, les odeurs immondes demeuraient. Je préférais quand elle parlait étranger, au moins je ne comprenais pas tout ce qu’elle déballait de visqueux. A 8 h du soir ses visiteurs sont partis allumant la télé que je n’ai pas, que je déteste, sans me demander mon avis. Lorsqu’elle l’a éteinte, son téléphone n’a pas arrêté. Lorsque le téléphone a cessé, elle m’a demandé d’aller chercher l’infirmière. J’y suis allée. Elle a alors ronflé comme un sonneur.
Dans l’après-midi, j’avais demandé à rentrer chez moi. Interdit. Je m’étais installée dans la salle d’attente une bonne partie de l’après-midi malgré les regards réprobateurs du personnel. J’avais faim, à jeun depuis la veille. Je ne pouvais rien avaler dans cette odeur répugnante. A 2 h du matin, je suis allée dans le couloir, par terre. Émeute chez les infirmières, mais rien à faire, je ne décampais pas. Ce n’est tout de même pas la prison et on ne peut pas forcer quelqu’un qui est capable de rentrer chez soi et qui l’a demandé, à retourner dans une chambre ignoble. Quand je pense que le premier hôpital m’avait renvoyée, alors que je voulais être opérée d’abord, là je voulais partir, on m’empêchait. Dans des conditions normales, je serais bien restée. Elles ont compris qu’elles ne pourraient pas me forcer à retourner dans ces odeurs putrides, elles ont tiré mon fauteuil dans le couloir. J’ai complété l’installation en allant chercher un petit tabouret. Il faisait froid. Tant pis. J’ai entassé sur moi tout ce que j’avais. Vers 5 ou 6 h plusieurs personnes sont passées sans m’adresser un regard, puis un infirmier m’a souri : « Il y a des chambres intenables… » Apparemment, je n’étais pas la première à préférer le couloir.
La situation a dégénéré avec l’arrivée de la nouvelle équipe. Une Black énorme, raciste qui me hait d’un regard, m’ordonne de retourner dans ma chambre. J’ai refusé, elle a tapé dans le fauteuil avec son chariot. La chambre puait toujours, je n’ai pas fait ma toilette, les visiteurs de la veille avait surutilisé le cabinet de toilette, pas laissé une feuille de papier, ça me dégoûtait, j’ai lacé mes baskets élastiques, deux pointures trop grandes pour que le pied gauche puisse entrer mais qui enfin, cette fois, étaient trop grandes pour lui, enfourné mes affaires dans mon sac et suis sortie dans le couloir à l’heure où l’équipe de jour prend son service. J’ai affronté l’esclandre inévitable. Ce n’était pas l’heure des départs. Ça m’était complètement égal. J’ai dit : hier, en sortant du bloc, je partais sur mes deux pieds, aujourd’hui en ambulance, demain ce sera le cercueil. Une heure après, j’étais chez moi.
Vendredi, enlevage des fils. Ça ne sera pas trop rigolo, d’un côté la cicatrice mesure 17 centimètres, celle de l’autre côté est petite chose par comparaison. Je connais les mesures à cause des pansements, jamais à la bonne taille. Avec deux, faut en faire un, mais bon.
Ce soir, on trinque dans du cristal à l’eau minérale.
Ci-dessous, Patrick Besson.
En attendant, avec mon voisin, écrivain copain devenu ami, encore un qui ne m’a jamais abandonnée, ce soir on dîne ensemble. Je lui fais son régime, il a une maladie idiote, on est privés de champagne, mais j’ai acheté des fleurs, et je suis arrivée à faire le tour du pâté de maison, à saluer la place Charles Dullin et le Théâtre de l’Atelier, fière comme un conquérant de l’Himalaya, je vais lui mettre un aussi beau couvert qu’à son troquet de prix littéraire où il va déjeuner et statuer demain. On va parler des livres qu’on est en train d’écrire, on va s’en donner, s’en voler, s’en échanger. On boira son eau minérale dans des coupes en cristal, à moins qu’il ait le droit d’avaler mon Lambrusco rouge qui pétille.
Nous deux, c’est réellement amusant : il est couvert de prix, et il en distribue, je n’en ai pas eu un seul en quarante bouquins. J’ai jamais postulé sauf quand Armand Lanoux, chaque année, me mettait dans la sélection du Goncourt en me disant que je ne l’aurais pas, n’étant pas chez l’éditeur abonné. Je lui répondais que je m’en fichais. Le comble est que c’était vrai. Je ne pensais qu’à vivre, écrire, voir le monde exister, rayonner, le monde littéraire m’étriquait. Je pense à tous les malheureux écrivains qui, en saison où ils tombent pareils à des feuilles mortes, vont rater les récompenses qu’on leur fait miroiter, qui le plus souvent sont données à de mauvais livres, mais, eux, les pauvres laissés pour compte, ils en seront brisés et dévastés, comme Charlton Heston en train de ramer galérien et moi qui n’ai jamais joué ce jeu-là, qui suis libre et pas galérien, c’est moi qui dîne ce soir, seule avec l’un de ces prestigieux que j’aurai pour moi toute seule comme il se doit.
Rien de ce que je raconte là ne se trouve dans « Trahison », c’est un journal, une sorte de doublage comme lorsque qu’on roule sur l’autoroute et qu’on voit les voitures sinuer sur la route nationale, en contre-bas.
Sur Facebook, 14 janvier 2022
C’EST BEAU, LES ÉPREUVES D’UN LIVRE
Je dirais que c’est l’équivalent des dernières répétitions, de la pré-générale et de la générale. J’ai reçu, sur papier, le premier jeu d’épreuves des « Nouvelles d’un monde cruel », à paraître prochainement, la semaine qui a précédé Noël. Je n’en suis qu’à mon quarantième livre ou un peu plus, j’en serais au centième, ce serait pareil, j’éprouve toujours une émotion particulière en déchirant l’enveloppe qui les contient. Elles sont émouvantes ces pages imprimées, pas encore reliées, avec des signes cabalistiques destinés à l’imprimeur, elles ont une odeur, pas comme l’ordinateur, elles sont vivantes, presque le livre déjà.
Le second jeu, au lendemain de Noël, est arrivé par voie électronique. Mon œil rechignait beaucoup, sur papier, il supportait que je lui impose un travail en théorie interdit qui s’arrêtait tout seul lorsqu’il brouillait les lettres que je n’arrivais plus à déchiffrer même le nez collé sur le papier. Donc, j’arrêtais. Je revenais quand la souffrance était calmée. Je n’avançais pas très vite, mais le but n’est pas d’aller vite mais de corriger les coquilles, qui sont des fautes absurdes, on en laisse toujours passer, hélas.
À ces corrections indispensables, j’en ajoute d’autres, toujours. En principe, il ne faut pas. Il est impossible que je m’en empêche, je plaide le bien fondé des changements. L’éditeur se laisse convaincre.
Le second jeu, sur écran, a été plus dur à relire. L’œil protestait, je lui faisais des promesses que je ne tenais pas. Mes amis étaient là, près de moi, l’un d’eux en réalité tout près, les autres parfois certains tout aussi proches bien qu’éloignés. Ils m’envoyaient leurs forces pour rétablir les miennes. C’est la seule chose à laquelle il est impossible de résister. On ne se laisse pas mourir, on ne se laisse pas souffrir, en vain quand des amis montent la garde.
En même temps, arrivaient toutes sortes de nouvelles joyeuses. L’organisatrice de ma conférence/concert que l’œil avait forcé d’annuler, proposait une autre date, à peine la date choisie, on apprenait que Roberto Alagna serait des Grieux à l’Opéra de Paris. Donc, au lieu de traîner dans le Midi, je ferai un aller-retour, je la ferai cette conférence-concert avec Richard Rittelmann depuis deux ans, nous l’attendons. J’attends son Scarpia avec impatience, Scarpia c’est la terreur, pas islamiste, mais la terreur. Nous parlerons de « Tosca » autant que du terrorismes et, surtout, il chantera.
Ça m’intéresse énormément que mon nouveau livre sorte au moment où je parlerai de celui de l’année dernière, « Le Mémorial des Anges oubliées » qui traite du terrorisme islamique, le sujet de notre temps. Les « Nouvelles d’un monde cruel » commence, après que j’aie nommé les amis qui m’ont gardée vivante et un exergue tiré de Shakespeare, par « Trahison », l’histoire vraie des mensonges et de l’abandon qui m’ont conduite presque à la mort.
Mais je vis.
Mon travail recommence, après un si long temps mort, à s’entrelacer avec celui de mes amis. J’écris, ils répètent, j’écris, ils écrivent. Je ne roule plus dans un fauteuil, je ne m’embrouille plus dans mes béquilles. Toute ma vie, je penserai aux malheureux qui n’ont pas eu ma chance. Ma chance, mes amis. Je vis – grâce à eux – je revis. Ils demandent des nouvelles de l’œil. L’œil va aller très bien très bientôt. Peut-être dès lundi, le 17 janvier 2022, au récital de Roberto Alagna, parrain de la semaine du son à l ’UNESCO, sinon le 5 février pour sa « Manon », là, c’est certain.
Sur Facebook, le 17 janvier 2022
NOUVELLES D’UN MONDE CRUEL
éd. Michel de Maule
En librairie le 24 février 2022
Il passe pour difficile d’intéresser le public à des nouvelles, encore plus si vous avez l’idée des appeler « Nouvelles d’un monde cruel ». C’est que la Bibliothèque Rose (j’ai publié dans la Verte), aujourd’hui, c’est complet ; d’ailleurs la comtesse de Ségur n’a écrit que des livres aussi cruels que les contes traditionnels dont les adultes imaginent qu’ils sont pour les enfants. Des enfants cruels alors, car c’est la terreur : d’un côté, le fouet du général Dourakine, de l’autre, le petit chaperon rouge dévoré par le loup, une petite sirène rejetée à la mer loin de celui qu’elle aime, une ado misérable qui grille ses allumettes pour tenter de ne pas mourir de froid et si le prince réveille la belle endormie ou qu’il épouse, épouse la bergère, l’histoire s’arrête au mariage laissant la porte ouverte sur les prochains désastres conjugaux. J’exagère bien sûr, sinon ce n’est pas drôle, déjà que, comme ça…
Mes nouvelles, c’est ça.
Cruelles et tendres, comme il se doit.
Sur Facebook, le 25 janvier 2022
ÉCRIVAIN PHOTOGRAPHE LE RETOUR
UNE PLACE DE PHOTOGRAPHE
Comme photographe, j’ai cru cet été, que ma vie recommençait, c’était après le Samson de Roberto Alagna à Orange, lorsque l’Arena de Vérone m’a laissée travailler pendant les répétitions de Cav/Pag dans des salles fermées, sans journalistes ni photographes, sauf moi. Une quatrième opération m’a obligé de quitter Monte-Carlo en urgence où Aleksandra Kurzak était Butterfly et d’ajourner la conférence-concert sur mon roman « Le Mémorial des anges oubliés » avec Richard Rittelmann. L’espoir avait sombré. Il renait : je viens de recevoir une place de photographe pour la générale de « Manon », le 2 février.
DU « MÉMORIAL DES ANGES OUBLIÉS »
aux
« NOUVELLES D’UN MONDE CRUEL »
Après la première de « Manon », j’irai faire la conférence sur « Le Mémorial des anges oubliés » avec Richard Rittemann.
Au retour, mes « Nouvelles d’un monde cruel» seront en librairie. Le 24. Quelques jours plus tôt, j’irai entendre l’unique « Manon » de Roberto Alagna, deux annulées pour cause de Covid chez les musiciens de l’orchestre..
Ces fils qui s’entrecroisent comme des signes d’un petit poucet mystérieux réclament des sourires.
COMME UNE FLEUR DE SERRE
Ce supplément d’existence que je reçois en cadeau, cette vie rendue, je vais la traiter comme une fleur de serre, sans oublier ceux qui n’ont pas ma chance de s’en tirer et ceux qui ont monté la garde près de moi. Où j’en serais, sans eux?
Sur Facebook, le 4 février 2022
« NOUVELLES D’UN MONDE CRUEL »
PREMIÈRE NOUVELLE : « TRAHISON »
Il y a 14 textes dans mes « Nouvelles d’un monde cruel ». Je vais publier les quatorze premières pages. Je commence aujourd’hui, après avoir signé mon service de presse, chez mon éditeur. Pour aller chez lui, c’est tout droit depuis Montmartre, sur le point d’arriver, si on descend, au lieu de la rue de Richelieu, la rue Vivienne et la rue de Beaujolais, on passe devant la Bibliothèque Nationale qu’on ravale, les grilles du Palais-Royal, on continue par les escaliers et le passage étroit qui vous ramènent rue de Richelieu, à deux pas de la statue de Molière, devant mon éditeur, un itinéraire magique.
Les livres, on les sort des cartons, on les sort des plastiques, on dédicace aux journalistes qu’on connait, on plie en quatre l’argumentaire, on le met dans le livre, le livre dans l’enveloppe, on empile sur le bureau. Et tout ça va partir, plein d’espoir. Mon argumentaire :
« D’une époque à l’autre, d’un univers à l’autre, ces nouvelles flamboyantes nous entrainent à travers le temps et l’espace à la suite de narrateurs parfois insolites où des enfants et même un crayon noir prennent la parole au même titre qu’un comédien célèbre, une romancière ironique, une clocharde, une femme agressée, un crooner, un peintre, un infant, un sale petit gamin des rues – un chat et une petite fille introduisent dans l’insolite et la plume de l’ange est le rayon d’espoir qui illumine notre monde cruel ».
La première nouvelle, « Trahison », est une histoire vraie, un texte cruel et colérique, qui met le feu et qui démarre fort.
Première page :
TRAHISON !
La fange du passé
« Sans sa seconde trahison, il raflait tout, Labousikov! Mais il était trop sûr de lui, d’elle surtout qui refusait d’admettre ce qu’il lui avait fait. Moi, j’ai compris d’abord qu’il n’est pas seulement un toubib incompétent, un éjaculateur précoce, c’est proclamé sur le visage ingrat de sa digne moitié, un arriviste crétinisé par la facilité que procure l’argent des autres, donné ou volé, dans son cas c’est au choix. Ce qu’il est ? un hypocrite manipulateur, malin comme une tribu de singes, pas le genre qui laisse des traces, le pervers accompli qui utilise l’occasion, ni vu ni connu. Il m’a fallu des mois pour reconstituer le puzzle de la vie et de la mort dans lequel il l’a entraînée, saisissant au vol les rares instants où elle brisait le silence de coffre-fort dans lequel elle enfermait ses ignominies à lui, dont elle avait honte — mais pas lui, bouffi fanfaron. Si elle avait coupé court quelques années plus tôt, son accident n’aurait été qu’un accident. Je l’ai appelée tous les soirs pendant les dix mois où elle n’a pas pu marcher. En me révélant les méfaits de celui qu’elle avait pris pour un ami, elle s’est arrachée à un piège fatal dont je ne soupçonnais pas à quelle sombre profondeur elle s’y était engluée. Il a fallu dix mois, pour elle abominables, pour qu’elle rompe avec des années d’illusions, affronte la réalité d’une amitié perfide, et décide d’échapper aux bras la mort pour se frayer un chemin vers la renaissance de du corps et de l’esprit, de l’âme et du cœur.
Je suis son témoin » .
Maintenant que les « Nouvelles d’un monde cruel » vont se trouver en librairie, je vais arrêter cette sorte de journal en enfer puisqu’il s’achève par le retour à vie.
Le signe évident, c’est mon retour à l’Opéra comme photographe. Les Opéras et moi reprenons vie en même temps.
L’Opéra de Paris m’a donné ma place de photographe pour Manon. En dépit des interdictions et restrictions Codid, le Metropolitan Opera de New York, m’autorise à photographier le soir de l’unique répétition fermée, archi fermée à l’auditorium de Tosca.
Cet article s’arrête ici. Avec l’autorisation de mon éditeur, j’en ferai peut-être un autre pour donner toutes les première pages de mes 14 nouvelles, que je poste régulièrement dans mon Facebook.
L’accident n’a pas fait perdre à Mme Dauxois le bonheur d’écrire et son talent de conteuse .Comme si le goût de vivre et l’enthousiasme étaient sortis renforcés de l’épreuve .
Ces « Nouvelles » m’ont rappelé ce que disait J. d’Ormesson de la vie . La vie est un rêve sombre et tragique ,une fête en larmes . A la fois auteur(e) et personnage de ce livre dans certaines de ses nouvelles ( ce que Jacqueline a vécu , vu, aimé, pensé ) elle aurait maintenant parlé avec le talent qu’on lui connait de la dernière des cruautés de notre monde actuel .