VIVA ALAGNA, REGARDS SUR 2017

Un ténor, un livre, des opéras, un écrivain

En 2017,  Roberto Alagna a triomphé dans six rôles  : don José (Paris), Cyrano (New York), Nemorino, (Berlin et Londres), Calaf (Londres), don José encore une fois (Paris), Le Condamné à mort (Marseille) et Maurizio (Monte-Carlo), sans parler des concerts. Ce site ayant publié chaque fois un ou deux « artimages » sur le sujet, cet article c’est autre chose.

A Vienne, sous les arcades du Staatsoper

Janvier 2017.
Pour le ténor célébrissime et l’écrivain qui a voulu assister à ses répétitions, 2017 commence sous les arcades du Staatsoper de Vienne lorsque, en avant-première à la sortie de Quatre Saisons avec Roberto Alagna, le chanteur publie sur son FB un montage photo où, coiffé d’un bonnet qui lui descend jusqu’aux sourcils, il présente une couverture géante du livre à paraître.

En février, les affiches du Trouvère occupent les piliers du Staatsoper, à cet endroit où il avait été photographié pour le montage photo spectaculaire réalisé par Stella Orion pour son FB qu’elle organise, réalisant montages photos et vidéos, et Quatre Saisons avec Roberto Alagna est en pile à la Fnac.

Roberto Alagna et Anna Netrebko.

Les saisons du livre vont d’Otello (juillet/août 2014 à Orange) au Trouvère (juillet/août 2015, Orange), et débordent sur les trois spectacles suivants qui conduisent à la fin de l’année : Vasco de Gama (septembre, Berlin), l’Elisir d’Amore ( octobre/novembre, Paris) et Tosca, à Vienne, en décembre.

Ce que le livre a changé

La publication du livre m’a ouvert au MET les répétitions de Cyrano de Bergerac, j’ai vu Roberto Alagna travailler son personnage, et comment, à petites touches et patientes explications, il influençait  la mise en scène jusqu’à avoir « son » Cyrano.
Un peu plus tard, le Royal Opera House  de Londres m’a signé un contrat de photographe, mais rien n’est jamais acquis et aucun Opéra au monde ne voit volontiers quelqu’un d’extérieur assister aux répétitions, c’est donc un courriel de Marinella Alagna qui débloque la situation. Agent exclusif de son frère dans tous les pays du monde, négociant, rédigeant et signant tous ses contrats, en constante relation avec les directeurs des maisons de disques, les organisateurs de concerts et les directeurs des Maisons d’Opéra, un mot d’elle obtient des réponses favorables à mes demandes.
Sans elle, d’ailleurs,  il n’y aurait pas de livre.
C’est à elle, dont mon éditeur de l’époque connaissait les coordonnées, que j’ai écrit pour demander un entretien avec son frère.
Dans les coulisses de n’importe quel Opéra du monde, elle circule comme un chat, dans le noir complet comme en plein jour, et soudain, disparaît pour prendre des photos avec des cadrages très personnels, qui rendent compte de son univers.

Le livre m’ a fait découvrir des personnes,  un couple m’ a prêté un ouvrage introuvable en librairie, une lectrice a distribué quatorze exemplaires autour d’elle, et elle continue, une malade des yeux a pris son premier billet d’opéra disant que, grâce au livre, elle « voit » Alagna. Une autre a voulu vérifier si c’est vrai que sa voix « trouble l’âme des anges », depuis, elle vérifie sans arrêt, et suit Alagna partout. À Marseille, une inconnue  m’a sauté au cou. Ce n’est peut-être pas grand chose mais, pour moi, c’est beaucoup.

Les Artimages

Le livre venait à peine de sortir, mais après Cyrano, j’avais envie de faire exister mon travail sans attendre des mois ou des années. C’était le moment de découvrir ce qui se passait sur le Net. Il avait un FB, j’ai fait un site. Des pages y sont toujours en attente d’achèvement, mais les articles sur lui, les Artimages, se sont accumulés, un, parfois deux, après chaque opéra qu’il chante. J’ai savouré d’abord la totale liberté d’écrire et de publier. J’avais constaté que lorsqu’un éditeur accorde deux cahiers photos, cela semble beaucoup, et que c’est peu dans la réalité. Sur le site, le double cahier photo, je me l’offre pour chaque opéra.
Très vite, j’ai découvert que le site est un terrain de décollage. Mes photos y sont devenues volantes, elles volent de mon site à d’autres, volent, s’envolent ou sont volées (pareil pour les articles), personne ne demande mon avis ; et si je ne suis pas d’accord?  Sur mon site, mes photos sont calées dans des textes, et elles s’en vont ailleurs, toute seules. Si j’en supprime une de mon site, est-ce qu’elle disparaît aussi de ceux où elle est allée  nicher ? Si elle reste ailleurs après que l’ai enlevée de chez moi, la maîtrise de mon travail m’échappe. Ça ne va pas du tout puisque, justement, ce qui me plaît dans le site, c’est la possibilité de le modifier, pas comme un livre, il est fini, tu as un  regret, garde ton regret, c’est imprimé, plus rien ne bouge jusqu’à réimpression ; mais qui vient chercher mes photos ? qui ajoute ou supprime les images installées le Net ?  Et de quel droit ? Et si je retrouve les miennes là où je ne veux pas qu’elles soient ?

Mes photos sur le NET

Ci-dessous, sur le site du MET, « mon » Cyrano, photo prise pendant la générale fermée.

Avant Cyrano, il y a eu Carmen, mon site n’existait pas encore, les photos se sont envolées dès qu’elles ont été en ligne :

Avec les photos de Turandot,  la couverture des Quatre Saisons :

Quatre photos signées de moi sur le site d’Elina Garanča:

Le Condamné : 7 photos, sauf que quelques-unes, que j’ai données à classiquesnews.com pour illustrer mon article, sont signées classiquenews.com, bien que leur article précise que le copyright est à moi.

Sur le site « Barbara Frittoli/Adrienne Lecouvreur, » sur 23 photos, 12 sont de moi, dont une d’Aleksandra Kurzak dont on dirait qu’elle s’est égarée là si elle n’était entourée par quatre autres photos (de moi)  de Roberto :

Celui que je photographie, ce n’est pas lui

Celui que je photographie sur scène, ce n’est pas lui. Ce sont ses héros en lui ; donc lui, d’accord, mais pas lui tout seul ; lui dans un personnage tel qu’il l’incarne ; des portraits de ses héros en lui ou de lui dans ses héros, mais pas des portraits de lui… sur scène, je ne peux photographier que ce qu’il va va révéler d’un autre en le faisant habiter en lui, mais il est impossible de le dissocier de son héros pour extraire ce qui serait un portrait de lui.
Faire un portrait de lui, ce serait très différent. Je le sais, dans une autre vie, j’en faisais.
En 2017, les visages de ses héros qu’il a tissés à partir du sien, incarnés à travers le sien, visages qui sont lui et en même temps ceux d’un autre, ont été, dans l’ordre :

Don José :

Cyrano :

Nemorino :

Calaf :

Don José pour la seconde fois dans l’année :

Le Condamné à mort :

Maurizio :

Des moments arrachés à l’oubli

À une âme de collectionneur, je conseille plutôt les timbres-postes que la voix d’un ténor. Si c’est la voix qu’on collectionne, il ne faut pas penser à tout ce qui est perdu pour jamais. Car il se passe toujours quelque chose avec la voix. C’est la difficulté pour un collectionneur de voix, surtout quand on n’en veut qu’une, la plus belle. Mais aussi, et contrairement au timbre-poste, cette collection procure des moments uniques. Il s’en est produit un pendant les répétitions d’Adrienne Lecouvreur où la fin a été changée. Cette fin aurait sombré dans l’éternel oubli si personne ne s’était trouvé là. Et combien de moments remarquables se sont ainsi engloutis dans le néant ?  Ce que je n’ai pas dit dans l’article c’est que peut-être son chant n’était-il pas le même dans l’une et l’autre version, c’est à étudier de près car cela revient à poser la question de l’influence de la mise en scène sur la voix des chanteurs : Est-ce que cette influence est  nulle ? est-ce qu’elle existe ? si oui, dans quelle mesure ?

Un autre moment exquis, pendant les répétitions de Carmen.
Dans la loge, Aleksandra, dans le costume de Michaëla, est au piano, Roberto, dans son vêtement à lui, se tient derrière elle. Ils chantent : « Ma mère je la vois. » Aleksandra ne tient pas longtemps devant son clavier, elle le rejoint, ils continuent a capella . À la fin, ils ont un rire partagé. Ils sont magiques.

Pour Cyrano, ce fut étonnant autrement.
Entre deux répétitions de la mort, il a chanté la scène du balcon pendant qu’on réglait les éclairages et que son visage devenait rouge, puis or, puis blanc. Il faut l’imaginer, avec le bandeau sanglant de Cyrano mourant, caché sous le balcon, chantant l’amour de Christian, oubliant Christian pour parler de son amour à lui, Cyrano, à la plus grande surprise de Roxane qui, sans pouvoir comprendre, lui demande tout de même ce qui se passe.

Il se passe que l’agonie de Cyrano commence sous le balcon de Roxane, ce que le pansement rend flagrant.

27 avril 2017. Pendant les répétitions de la mort de Cyrano, et le réglage des éclairages, Alagna répète la scène du balcon, portant le bandeau rougi de sang au lieu du flamboyant chapeau à plumes.

Evviva Alagna !

Pendant les fêtes de fin d’année, pour Noël 2017 et le Jour de l’an 2018, il répète à New York Cav/Pag qu’il va chanter en janvier et février, Aleksandra étant sa partenaire dans I Pagliacci qu’ils ont déjà chanté ensemble.
Il va geler, il va neiger à New York, c’est annoncé, et ce sera un grand soleil lorsque va s’élever, à la jointure entre l’année qui s’achève et celle qui commence, la voix incomparable du divo des divos…

©  texte et photos Jacqueline Dauxois

Ci-dessous les liens pour les articles sur Roberto Alagna publiés en 2017 sur ce site, plus récent (Adrienne Lecouvreur) jusqu’au premier sur Cyrano de Bergerac au Metroplitan de New York :

http://www.jacquelinedauxois.fr/2017/11/24/roberto-alagna-d…lo-novembre-2017/

http://www.jacquelinedauxois.fr/2017/11/18/entretien-avec-r…monte-carlo-2017/

http://www.jacquelinedauxois.fr/2017/09/02/le-don-jose-de-r…-lopera-de-paris/

http://www.jacquelinedauxois.fr/2017/09/29/roberto-alagna-d…-deuxieme-partie/

http://www.jacquelinedauxois.fr/2017/07/16/roberto-alagna-e…-16-juillet-2017/

http://www.jacquelinedauxois.fr/2017/07/13/londres-avec-les…ttes-de-turandot/

http://www.jacquelinedauxois.fr/2017/07/09/roberto-alagna-d…res-juillet-2017/

http://www.jacquelinedauxois.fr/2017/06/24/le-nemorino-de-roberto-alagna/

http://www.jacquelinedauxois.fr/2017/05/10/roberto-alagna-d…-bergerac-au-met/

Une réflexion sur “VIVA ALAGNA, REGARDS SUR 2017

  1. on croyait tout savoir (enfin,presque…) sur R.Alagna après avoir
    lu « les Quatre Saisons »et consulté régulièrement le site de J. Dauxois mais c’était sans connaitre l’ opiniâtreté de l’auteur pour approfondir le travail et la vie de cet extraordinaire ténor.

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