René Girard, historien français, anthropologue, diplômé de l’École des Chartes a fait sa carrière aux États-Unis où il est mort, en Californie. Ce très grand esprit est l’inventeur de la théorie mimétique ou de la triangularité du désir ou désir mimétique.
L’exemple peut-être le plus illustre de cette théorie a changé le destin de Rome et inspiré est chef d’œuvres aux arts, c’est le Viol de Lucrèce, la seconde pièce de Shakespeare analysée par Girard.
Après la bataille, les officiers romains, rassemblés autour de Tarquin, vantent les mérites de leurs femmes et décident de venir les surprendre pour savoir lequel d’entre eux possèdela plus désirable, la plus belle et la plus vertueuse. Lucrèce emporte la palme. Ils repartent au camp, mais Sextus Tarquin, rendu fou de désir mimétique revient dans la maison de Lucrèce, la menace de mort et de déshonneur et la viole. Elle se tue, ce qui conduit à l’expulsion du dernier roi de Rome. Girard écrit :
« Shakespeare rend tout à fait explicite quelque chose que le mythe ne fait que suggérer en filigrane : la destruction violente qui se produit avant (et qui se cache derrière) la structure différentielle régénérée par l’expulsion de Tarquin, le bouc émissaire de la République ».
Girard revisite entièrement le Songe d’une nuit d’été qu’on n’avait jamais vu sous ce jour qui semble indiscutable dès qu’il nous le fait découvrir tant son analyse se déroule comme une mécanique qui ne laisse rien au hasard. Sacritique de la critique aveugle, contre laquelle il n’a cessé de se battre pour restituer à Shakespeare la dimension surhumaine qui est la sienne :
« Dans l’intrigue théâtrale, Shakespeare réinjecte l’ingrédient que les esthéticiens laissent invariablement de côté : le désir érotique. Dans l’intrigue amoureuse, il réinjecte l’ingrédient que les spécialiste du désir ne prennent jamais en compte : l’imitation. Cette double restitution fait de chaque intrigue (du Songe) le miroir fidèle de l’autre – et les deux réunies, d’où jaillit la troisième, constituent un défi unique lancé à la tradition philosophique et anthropologique moderne. »
Sa conclusion, dirigée contre la critique, peut s’appliquer mot pour mot à la débâcle de la mise en scène actuelle :
« … la lassitude générale provoquée par l’esthétique traditionnelle a, à la fin des fins, engendré une révolte contre la notion d’imitation telle qu’elle est conçue depuis les Grecs, mais il ne s’agit pas vraiment d’une rupture avec le passé : on est là dans le cercle d’une fausse rébellion qui essaie de nier la réalité de ce qu’elle est incapable de repenser. Au lieu d’unir imitation et désir, les révoltés en question s’efforcent de chasser la mimesis de notre scène culturelle, si bien que leur évolution forcément avorte et perpétue l’ancienne servitude. Même une mimesis appauvrie vaut mieux que pas de mimesis du tout. »
Tirées du début du livre ces exemples donnent une idée de la richesse et du foisonnement de l’ensemble du texte.
La grille de lecture de René Girard n’est pas artificielle puisqu’elle conduit à d’inéluctables découvertes et agit comme un révélateur sur les pièces les moins faciles de Shakespeare.
La structure du livre et le fait qu’il soit traduit de l’anglais, laissent supposer que le livre est un ensemble des cours que René Girard a donnés aux États-Unis, mais cela n’est indiqué nulle part.
Un livre dont les amoureux de Shakespeare ne pourront plus se passer.
© Jacqueline Dauxois
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