2020, l’Opéra équestre.
Le 11 juillet 2020, alors que les mesures destinées à circonscrire la covid-19 assassinaient la culture, fermaient jardins, librairies, disquaires, musées, cinémas, théâtres et Opéras comme non essentiels, nous traitant tous, non en personnes, mais en tubes digestifs, alors que depuis des mois, on n’entendait plus que de la musique en conserve, que même le Sud, avec ses Carnavals brutalement interrompus, était lugubre, le baryton Richard Rittelmann, dans un château, près de Grasse, a donné un concert en chair et en os. C’était le premier que j’entendais depuis 5 mois.
Il avait invité des camarades chanteurs et, avec eux, il a offert à un public affamé un florilège de bonheur. C’est là que j’ai rencontré ce chanteur enthousiaste et généreux, décidé à chanter contre vents et marées de SARS-CoV-2. Depuis, même s’il subit d’incessantes annulations de dernier moment, il continue de chanter partout où il peut. Ainsi, depuis le concert de Grasse, où il présentait son disque « Clair-Obscur », enregistré avec la pianiste Veronica Yen, ayant offert aux hôpitaux le produit des cinquante premiers exemplaires vendus, on a pu l’entendre à Gattières, Albi, Saint-Paul de Vence, Cannes, Nice, en Suisse où il a donné un opéra équestre en plein air, en Nouvelle Zélande et en Australie.
2005, en Asie, Richard Rittelmann participe
à l’un des concerts d’adieu de Luciano Pavarotti.
PELLÉAS ET MÉLISANDE
Richard Rittelmann, qui vient de chanter les rôles du médecin et du berger, dans Pelléas et Mélisande, me raconte :
« On a réussi à mener à bien les 3 représentations, bien sûr sans public, mais la direction de l’Opéra de Rouen avait anticipé le renforcement des mesures gouvernementales, et les 60 musiciens de l’orchestre ont été installés sur un énorme podium pour respecter la distanciation réglementaire.
Le protocole sanitaire était réglé comme du papier à musique.
Nous avons, pendant toute la période des répétitions, porté un masque, ainsi que les chefs et le personnel sur le plateau (machinistes, assistants, pianiste …), un médecin est venu chaque semaine effectué un test PCR ; des techniciennes du nettoyage désinfectaient tout le théâtre chaque jour. Chaque artiste avait une loge indépendante et, après les répétitions, on rentrait chez nous, finies les retrouvailles au café.
Ci-dessous, à Rouen, « Pelléas et Mélisande », 2020.
Nous avons commencé les répétitions le 2 janvier.
Les chanteurs étaient convoqués par le chef d’orchestre, Pierre Dumoussaud, pour une lecture de tous les actes et, dès le lendemain, nous étions sur le plateau pour les premières séances de mise en scène.
Julien Fisera a pris le relais de la mise en scène de Eric Ruf (1). Avec lui, régnait un esprit zen qui nous a permis de faire abstraction de la situation Covid, qui s’aggravait de jour en jour jusqu’à l’annonce, le 15 janvier, que le public ne pourrait pas assister aux spectacles.
La direction de l’Opéra de Rouen a décidé de maintenir les 3 dates de représentations et a fait venir une boîte de production pour filmer le 24 et 26 janvier et France Musique pour l’ enregistrement.
On nous avait installé de mini microphones dans les cheveux au-dessus de l’oreille.
On peut visionner le spectacle sur : https://fb.me/e/1fnPlwEW1
« On m’a souvent demandé d’où venait ma passion pour cette œuvre de Pelléas et Mélisande.
Cela a été un coup de foudre immédiat, à l’âge de 15 ans, dès que j’ai ouvert la partition et que je l’ai déchiffré bien avant d’écouter une version discographique.
Mon professeur m’avait dit que le rôle-titre conviendrait à ma tessiture de baryton martin.
Effectivement, ce rôle et cette musique de Debussy ont trouvé une résonance artistique existentielle dans ma vie.
À 21 ans, la télévision américaine de Saint-Louis m’a demandé d’enregistrer un extrait à l’opéra de Lyon et, quelques mois plus tard, je rencontre Irène Aitoff qui donnait des Masterclasses sur cet ouvrage.
Dominique Delouche, producteur de film spécialisé dans les réalisations d’Opéra et de Ballet, m’y a découvert et m’a proposé de tourner une séquence à l’Opéra Comique avec Irène Aitoff au piano.
Lors de la projection officielle, je rencontre Elizabeth Cooper, qui était l’assistante d’Irène Joaquim au CNSM (Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse) de Paris.
Dans « Cyrano de Bergerac », avec Roberto Alagna.
Elle me propose de m’aider à mûrir le rôle de Pelléas et m’a préparé pour des concours internationaux que j’ai remporté comme, entre autres, les « Voix d’or » à Rouen : souvenir inoubliable lorsque Alain Vanzo m’a remis mon prix de lauréat !
Et la boucle est bouclée ! »
CONFÉRENCE/CONCERT ANNULÉE, NON POUR CAUSE DE COVID, MAIS PAR UNE CHAUFFARDE
Le 27 janvier 2021, Richard Rittelmann avait accepté de participer avec moi au lancement de mon roman : Le Mémorial des Anges oubliés, paru le 23 septembre 2020. Deux passages du roman évoquent Tosca. J’avais imaginé une conférence/concert où je présenterais mes personnages et ceux de l’Opéra tandis que Richard chanterait plusieurs airs de Scarpia. Le samedi 3 octobre, une chauffarde m’a projetée en l’air. Triple fracture : cheville et tibia. Fin janvier, quatrième et dernier mois en fauteuil à roulettes, au lieu de m’envoler pour Nice donner, avec Richard, ma conférence/concert, je reste clouée à Paris.
Richard Rittelmann avec Roberto Alagna,
Concert Caruso au TCE, 15 juin 2009.
BIENTÔT
D’ici cet été, où Richard Rittelmann va interpréter Carmina Burana et L’Or du Rhin à Nice, il sera cet hiver Léonard dans La Bohème. Même si c’est avec des béquilles, j’irai dans le Midi et, peut-être, je pourrai aller l’entendre sur mes deux pieds. Sinon, j’espère le revoir sur ma terrasse où il viendra chanter quelque chose pour moi, c’est certain.
Alors, à bientôt, Richard ! Il y a de la lumière au bout du tunnel.
© Jacqueline Dauxois
(1) En 2017, le TCE a donné Pelléas et Mélisande dans la mise en scène d’Éric Ruf, avec une éblouissante Patricia Petibon dans sa prise de rôle de Mélisande.
Voir aussi sur le site :
© Jacqueline Dauxois
Richard Alexandre Rittelmann est un grand artiste qui mérite que l’on s’intéresse à lui. Merci madame Dauxois pour votre analyse et votre travail de recherche.
Merci madame Dauxois pour votre analyse et votre travail de recherche. Richard Alexandre Rittelmann est un grand artiste qui mérite que l’on s’intéresse à lui. J’ai eu la chance de l’entendre chanter à plusieurs reprises c’est un musicien authentique, talentueux, toujours aimable et généreux avec son public. J’ai hâte de le revoir sur une scène…
Enthousiaste, généreux : des adjectifs appropriés pour ce grand professionnel à la voix chaleureuse qui garde sa simplicité relationnelle.
Une belle voix, une belle âme.
Merci chère Jacqueline pour ton épopée passionnante et ta fidèle amitié