« Un livre contre l’instrumentalisation de la religion, le fanatisme et l’intégrisme ».
Alexis Chryssostalis
« Le mémorial des anges oubliés est un roman dont le sujet, cruel et malheureusement terriblement actuel, traite de la barbarie dans laquelle peuvent parfois plonger certaines personnes, des jeunes, voire des adolescents, vulnérables donc par définition, parce que la société dans laquelle ils vivent, y compris leur entourage proche, n’a pas pu ou n’a pas su leur donner les repères culturels, intellectuels et spirituels équilibrés et solides dont chacun de nous a besoin dans la vie ; les héros du Mémorial des anges oubliés sont nombreux, issus de tous les milieux, d’origines et de religions diverses ; ce livre parle de la descente aux enfers progressive d’une jeune fille de 15 ans, mais il commence et finit par des paroles qui ouvrent sur l’espoir. »
Alexis Chryssostalis
ÉCRIRE
Je suis un écrivain, je n’existe que pour écrire, c’est de l’encre qui me coule dans les veines avec les pulsions du clavier de l’ordinateur. Si vous me découpez le cœur, vous y trouvez des livres.
Le 3 octobre 2020, une chaufarderresse m’a tué la promotion de celui-là.
Je ne connaissais rien des hôpitaux. J’ai skié et fait de l’équitation à des niveaux où les chutes peuvent être fatales, je me me suis jamais rien cassé. J’ai assisté en Afrique à des cérémonies secrètes, on m’a découverte, on ne m’a rien fait ; sur la route de la soie, j’entendais tirer derrière les collines du caravansérail où je m’étais arrêtée avec mon guide ; au marché de Samarkand où pourtant je portais une robe par-dessus un pantalon, un vieil homme m’a frappé la tête avec sa canne jusqu’à ce que la police l’en empêche ; à la fin d’un colloque sur la poésie, sur le lac d’Ohrid en Macédoine, à la frontière de l’Albanie, je suis passé à travers le pare-brise d’un chauffeur qui confondait slivovitz et café au petit déjeuner. L’hôpital a retiré le verre de mon crâne, j’ai raté l’avion du retour, j’ai tout de même apporté à temps mon reportage au Magasine Littéraire. De petits bobos. Dans les coulisses des légendaires Opéras du monde, à l’ombre du ténor Roberto Alagna, je ne me suis jamais pris le pied dans le serpent d’un câble, jamais tordu la cheville dans l’obscurité et je n’ai pas dégringolé d’une de ces échelles où il est interdit de grimper. Je ne me suis jamais rien démoli. Je n’ai jamais cessé d’écrire. Sur la plus jolie plage des Tropiques, trois jours après mon arrivée, il me fallait un stylo, un cahier.
UN LIVRE TUÉ
Il a fallu l’attaque d’une auto folle pour arrêter en moi l’écriture et détruire la lancement de ce roman. Un chirurgien boucher d’une clinique Poubelle de la banlieue parisienne a terminé le travail de la chauffarde. Staphylocoque doré.
Un chirurgien génial des Hôpitaux de Paris m’a tirée de l’enfer. Après six mois passées enfermés chez moi, à taper dans les chambranles avec un fauteuil à roulettes, six mois sans descendre mes quatre étages sinon portée par des ambulanciers, six mois sans pouvoir écrire à cause de la plus redoutée des infections nosocomiales, je vais revivre, puisque je recommence à écrire.
REVIVRE
Écrire. Revivre. Grâce à ce chirurgien. Grâce à cet hôpital. Grâce à une émission de France Culture.
Depuis octobre la promotion du livre, en librairie quelques jours avant l’accident, a été annulée, pour commencer une signature conférence à la librairie des Abbesses et, en ce moment même dans le Midi, les conférences-concert que j’avais imaginées auxquelles un ami baryton avait accepté de participer.
C’est alors qu’Alexis Chryssostalis m’a téléphoné. Je ne pouvais pas marcher, il est venu enregistrer chez moi, avec son équipe.
L’enregistrement a eu lieu entre deux opérations.
Les coulisses de l’entretien. Dans la salle à manger changée en studio d’enregistrement, Alexis Chryssostalis avec Anne Perez, réalisatrice et Martin Troadec, technicien.
Cette émission participe à ma résurrection. Le producteur, musicien, pianiste, historien des textes, homme de science et de culture, Alexis Chryssostalis a étudié à l’institut de Théologie de Saint-Serge. Moi aussi. Il a enseigné à l’École Pratique des Hautes Études, moi à l’École Centrale de Paris. Il aime la musique byzantine et l’Opéra. Moi aussi.
C’est dire que les questions qu’il pose sont celles que j’ai envie d’entendre. Aussi, alors que je croyais ne plus pouvoir parler de ce livre tué, mes réponses coulaient de source, mes personnages se réveillaient, j’avais envie d’exister.
Écoutez-nous :
https://www.franceculture.fr/…/le-memorial-des-anges…
© Jacqueline Dauxois