Akhnaten et Doctor Atomic, deux opéras interrogent notre univers

Akhénaton, en qui certains, à tort, ont voulu voir un précurseur du christianisme alors qu’il portait l’idolâtrie à son point d’incandescence absolue remplaçant tous les dieux par un seul : le soleil, Akhenaton a échoué dans son projet alors que sa doublure diabolique a réussi : la Bombe d’Oppenheimer ne cesse plus de nous confronter à une irréversible tragédie.

Les deux héros auraient prononcer ces phrases : « Je suis le cosmos révélé », « Je suis la vie éternelle et la mort », la troisième est signée Oppenheimer : « Je ne serai jamais libre, je ne serai jamais chaste, sauf si tu m’enchantes. »


On a reproché à Peter Sellars d’avoir intégré des textes de Baudelaire, John Donne, un poème indien, il n’y a rien à reprocher si c’est pour entendre des phrases aussi fortes, et Montaigne d’ailleurs a déjà répondu : l’écrivain prend où il le trouve de quoi faire son miel.

Les images d’Akhnaten étaient si belles, l’Égypte recréée – pas reconstituée – avec une intelligence, une connaissance et un génie si rare qu’on oubliait de lire les sous-titres, si on ne comprend pas, on entre dans la magie du spectacle, c’est ce qui compte.

En programmant la diffusion des deux opéras à quelques jours de distance, Ie Metropolitan souligne les similitudes de ces opéras autant que leur complémentarité et leurs différences.

MUSIQUES OU MUSIQUES

Dans tous les deux , la musique se lie à son sujet avec une passion qui ne se dément jamais, la recherche éperdue d’un autre monde pour laquelle les deux compositeurs emploient tous les moyens mis à leur disposition par les sonorités de notre temps pour aboutir à une suffocante immersion. Philipp Glass, utilise la voix lancinante des tambours rituels venus du cœur de l’Afrique, mais il se sert aussi, comme John Adams, des cloches, et tous les deux  font monter la tension jusqu’à une vibration qui cesse d’être extérieure à l’auditeur pour l’empoigner tout entier.

LES VOIX

Au cœur de ces harmonies contemporaines, traitées comme des instruments, les voix atteignent des registres incantatoires, davantage dans Akhnaten où on croirait entendre les musiques sacrées d’une inatteignable Antiquité, mais aussi dans Doctor Atomic où musique et voix rendent palpable l’insupportable attente à Fort Alamo avec ce son de cloches qui s’amplifie jusqu’à la mort, qui n’est pas représentée sur scène, la mort à venir.

DISTRIBUTION, MISES EN SCÈNES, DÉCORS, COSTUMES, MAQUILLAGES

La distribution, la mise en scène, les décors, les costumes et les éclairages des deux opéras sont réussis.
Deux couples de chanteurs, beaux, aux physiques et aux âges en harmonie, qui savent jouer, donnent aux duos une beauté visuelle aussi bien que vocale. Rousse au teint de lait et aux yeux bleus verts, maquillé en starlette des années 50, la beauté de Kitty Oppenheimer n’a rien à envier à celle de Néfertiti, brune au teint sombre et aux yeux de jais.

Avec son chapeau rabattu sur les yeux et ses lunettes noires, Oppenheimer a l’allure équivoque d’un maffioso, mais l’exploit a été de trouver un Akhenaton vraisemblable, ce visage divinisé dans l’étrange, démesurément allongé, d’une laideur inquiétante, sculpté à la serpe à grandes entailles brutales n’a pas d’équivalent, et ne se trouve que dans la pierre, mais il y a une analogie dans les traits du chanteur et on en oublie le pharaon du musée du Caire pour croire à celui qui se trouve sur scène.
Si les deux mises en scènes/décors/maquillages/costumes/éclairages sont réussies, celle d’Oppenheimer nous montre des images qui nous sont familières.
Donc l’opéra qui époustoufle c’est Akhnaten, d’autant qu’il est si difficile représenter l’Antiquité, l’Égypte surtout, sans sombrer dans le ridicule.

Akhenaton, à Amarna, regardait le soleil en face, Oppenheimer , à Los Alamos, se protège de lunettes noires pour supporter les images du premier essai de sa bombe,.

L’OPÉRA VIVANT

L’Opéra est vivant, capable de parler d’aujourd’hui, même à travers l’Antiquité, ce qui s’est toujours fait.

Akhnaten, musique de Philip Glass, livret tiré du Livre des Morts de l’Anvcenne Égypte, production Phelim McDermott, avec AnthonyRoth Costanzo dans le rôle titre et J’Nai Bridge, Néfertiti.

Doctor Atomic, musique de John Adams, livret de Peter Sellars, production Penny Woolcock, avec Gerarld Finley dans le rôle de J.Robert Oppenheimer et Sasha Cooke, Kitty Oppenheimer.

© Jacqueline Dauxois

Images : d’après les enregistrements du Metropolitan Opera de New York..

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